Depuis toujours, je me vois à la tête d’une grande fratrie. Une maman, toupet au vent, gestionnaire de chaos, carburant au café et aux câlins de mes nombreux héritier.ère.s (au moins trois, mais idéalement quatre). Ma vie ne pourrait pas en être autrement.
Mais alors que notre second enfant arrivera d’un jour à l’autre, j’ai plus peur que jamais. Je ne doute pas que nous l’aimerons immédiatement, inconditionnellement, incommensurablement. Pourtant, la litanie des doutes m’envahit. Et si…
Et si ce deuxième garçon n’était pas aussi merveilleux que son grand frère? Lui qui est si doux, attentionné, aimant, intrépide, frondeur, curieux et beau comme pas possible avec ses yeux coquins et ses cheveux longs? Et si ce petit frère était constamment comparé défavorablement à son aîné?
Et si notre bel équilibre familial se rompait? Nous sommes déjà un trio de feu, fusionnel, dynamique, à l’écoute de chacun, capable de toutes les sorties et de tous les voyages. Serons-nous capables d’être un quatuor aussi fort, aussi vif, aussi uni? Saurons-nous demeurer ce « nous » en nous multipliant? Et si ce bébé venait ruiner notre harmonie?
Et si cet enfant naissait différent? Personne n’est à l’abri de rien, c’est certain. Notre bébé pourrait souffrir d’une maladie génétique rare, d’un trouble du spectre de l’autisme ou d’un handicap. Nous savons que nous serions à son chevet, enchaînant les rendez-vous avec les spécialistes, le coeur gros, mais plein d’espoir pour ce petit être que nous chérissons plus que notre propre vie. Je ne doute pas que nous en aurons la force, comme tous ces parents au courage insoupçonné qui remuent ciel et mer pour leur enfant. Je sais que nous le ferions aussi. Mais serions-nous encore heureux comme nous le sommes aujourd’hui? Et si l’avenir nous réservait un défi, le relèverions-nous sans heurt?
Et si nous avions commis une erreur? Et si nous avions dû nous contenter d’un enfant? Et si le karma nous rattrapait, nous punissait de notre bonheur, de notre vie facile et commode? Plus les scénarios catastrophes s’enchaînent dans ma tête, plus j’ai de remords. Plus je redoute, plus je culpabilise. Alors je me confie à vous, parce qu’il faut bien que je banalise.