Full disclosure : je suis un syndicaliste. Je travaille pour la Centrale des syndicats du Québec qui représente des intervenantes à la petite enfance en CPE et en milieu familial.
Les travailleuses et travailleurs de certains Centres de la petite enfance (CPE) de Montréal et de Laval sont en grève générale illimitée. Cette décision, ils ne l’ont pas prise à la légère. Et surtout, ils ne l’ont pas prise contre vous, parents aux prises avec les complications de cette grève.
Je vois d’un très mauvais œil cette démarche Facebook encourageant un recours collectif contre le syndicat des travailleuses en CPE qui exerce actuellement son droit de grève. Je le vois aussi comme une accréditation totale du discours que tient l’Association patronale nationale des CPE (APNCPE) dans ce dossier.
Ce discours patronal très classique fait porter l’odieux aux syndiquées et dénonce leur choix d’exercer leurs droits. L’APNCPE est, rappelons-le, la SEULE association patronale à ne pas avoir réglé ses négociations avec ses travailleuses. L’association dit que la négociation achoppe sur 15 % des clauses négociées dans l’entente nationale (acceptée par toutes les autres associations et syndicats), sauf qu’elle n’a jamais informé les parents à propos de quelles clauses posaient problème.
D’expérience, je peux vous dire que là où ça chicote, c’est au niveau de l’implication des travailleuses dans la gestion des CPE. Souvent, l’équipe de travail des CPE adopte le programme pédagogique, les méthodes d’intervention et de l’organisation quotidienne du travail (horaires de travail, répartition des groupes d’enfants, etc.). Et ça, ça heurte l’APNCPE, qui voudrait voir disparaître cet aspect de gestion participative des CPE. Pour beaucoup de CPE, un recul sur ces questions est un recul important sur leurs conditions de travail. Est-ce nécessaire de dire que ces conditions étaient supposées compenser quelque peu les faibles salaires qu’on leur accorde?
Ces travailleuses et travailleurs qui prennent soin de vos tout-petits pendant que vous travaillez, qui les outillent pour faire face au monde, qui les accompagnent dans leur développement, dans leurs joies et dans leurs peines, ne font pas de piquetage par gaieté de cœur! Il ne faut pas oublier que pendant ce temps, elles se privent de salaire afin de faire pression sur l’APNCPE afin de protéger le réseau qui accueille vos enfants.
Les travailleuses des CPE ne sont pas en grève pour des salaires, tout cela est réglé au niveau national déjà. Elles se battent pour défendre leur vision des CPE : une vision communautaire, une vision qui repose sur la qualité des services des enfants et non d’un objectif d’optimisation et d’efficience dans la gestion, bref : une vision solidaire.
Avant la grève, les négociations traînaient de la patte. En exerçant la grève, les travailleuses et travailleurs des CPE prennent les moyens de se faire entendre! Les femmes et les hommes qui prennent soin de nos enfants comme s’ils étaient les leurs ont besoin de notre solidarité. On peut ne pas être d’accord. On peut exprimer les problèmes que la grève nous occasionne. On peut même être en colère. Mais de grâce, soyons en colère contre les véritables responsables de ce conflit de travail : l’APNCPE.