Un matin, j’entends les petits pas de mon fils sur le plancher de la cuisine. D’habitude, à cette heure, il vient terminer sa nuit dans les bras de sa maman. Je m’attends à le voir surgir dans la chambre d’une seconde à l’autre… J’écoute. La porte du frigidaire s’ouvre et se referme. Puis, plus rien.
Je me lève, intriguée. Il est dans le salon. Il a pris le pot de yogourt dans le réfrigérateur et a même réussi à se dégoter une cuillère. Il a ouvert lui-même la tablette et mis son émission préférée. Il est assis, tranquillement, et il déjeune avec Ryder et sa bande de chiots surexcités.
« Regarde, maman! Je déjeune TOUT SEUL. Comme un grand! »
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Comme un grand… Cette phrase résonne de plus en plus dans la maison. Je ne sais pas si c’est l’arrivée de sa petite sœur ou simplement le printemps qui fait ça. J’ai l’impression que mon enfant a éclot tout d’un coup, comme une fleur! Il n’a pas demandé la permission, il s’est gorgé de lumière et de couleurs et le voilà, sous mes yeux. Épanoui et flamboyant.
Je le regarde avec un mélange de vertige et de fierté. D’un côté, j’adore découvrir sa personnalité, son humour et ses préférences. On peut commencer à discuter de choses et d’autres. Il prend tous les jours un peu plus d’autonomie et s’affirme. Mon fils a tout juste trois ans. Il est un univers à part entière qui commence à se déployer sous mes yeux.
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De l’autre côté, quand je le vois se diriger vers un groupe de géants de 8 ans, sans même se retourner, pour jouer au soccer. Quand j’entends dans sa bouche des mots comme « dégueu » ou « cool » appris ailleurs. Quand il marche avec sa planche à roulettes sous le bras — à défaut d’être capable de se tenir dessus — avec sa dégaine d’enfer, mon cœur se serre. Tout va vite, si vite. Je le prends dans mes bras et j’ai l’impression d’étreindre un géant. Je lui dis tout bas « Ne grandit pas trop vite, mon bébé, je t’en prie, le monde est compliqué. Profite du temps où ta maman est là pour parer à tous les coups. »
Et comme s’il m’avait entendue, il replonge dans sa tendre petite enfance. Tantôt pour lire une histoire, collés dans son lit, tantôt pour se faire donner un bisou qui guérit tout. Il pleure pour une crème glacée ou exige un câlin pour s’endormir. Je respire un instant, il est encore petit. Il résiste au temps qui veut l’emporter, qui lui fera perdre son insouciance et sa liberté.
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Mais ça ne dure pas. L’appel du large est si fort. Il grandit, inexorablement. Nos enfants ne nous appartiennent pas. Ils viennent au monde à travers nous pour devenir les adultes de demain. C’est comme ça. Alors pousse, ma fleur! Deviens grand. Mais prends ton temps, si tu peux, que je te renifle le cou de temps en temps…