Il n’était qu’un fœtus dans mon ventre et il avait déjà une histoire. Du moins, les gens autour s’amusaient à lui en créer une. Elles fusaient de partout : les hypothèses multiples sur ce qu’il ferait de sa vie.
Plusieurs m’amusent, alors que d’autres m’irritent. Je déteste celles pour lesquelles nous lui attribuons déjà une orientation sexuelle. Non seulement parce qu’il s’agit d’un bébé, mais aussi parce que rien ne le prédestine à être hétérosexuel ou homosexuel.
Dans les derniers mois, plusieurs prédisaient déjà qu’ « il briserait le cœur des petites filles. » Et moi de répondre systématiquement : « il brisera peut-être celui des garçons. » Bien que je ne souhaite en aucun cas que mon fils brise volontairement le cœur de qui que ce soit, je déteste que l’on puisse assumer qu’il sera automatiquement attiré par les filles. Je ne « souhaite » pas qu’il soit gai non plus. Je souhaite simplement qu’il soit heureux et à l’aise avec sa sexualité, quelle qu’elle soit.
Je souhaite que lorsqu’il en sera à ses premiers papillonnements d’amoureux, de petit copain, d’ami de cœur, il ait le réflexe de nous en parler. Je veux que nous ayons, mon amoureux et moi, mais la société aussi, le réflexe de demander à notre fils, mais aussi à ceux que l’on rencontre, s’ils sont avec quelqu’un. Sans assumer qu’il nous faut demander aux garçons s’ils sont avec une fille, tout comme l’inverse est aussi vrai.
Ce qui est difficile à comprendre pour plusieurs, c’est que je n’encourage pas l’homosexualité, je décourage l’hétérosexisme. L’hétérosexisme est tout un système d’agissements, de paroles et de pensées qui favorise la sexualité ainsi que les relations hétérosexuelles. L’hétérosexisme place ainsi l’hétérosexualité comme étant supérieure à l’homosexualité. Je décourage donc le fait que l’hétérosexualité semble être une norme pour certains.
Comme l’homosexualité est vue par plusieurs comme inférieure, il va de soi que le chemin de notre fils pourrait être parsemé d’embûches s’il s’avérait qu’il est gai. Chaque mère espère que son enfant s’épargne les multitudes d’épreuves qui pavent l’enfance et l’adolescence de plusieurs. Par contre, je sais pertinemment qu’il n’y aurait pas d’épreuves plus difficiles que celle de déclarer son homosexualité à des parents archaïques qui s’offusquent et qui le proclament la honte de la famille. Je sais aussi que ce moment ne se devrait pas d’être fait en grande pompe, la gorge nouée par le stress, mais d’une hâte de nous partager enfin qu’il a rencontré quelqu’un.
Ainsi, je me fais défenderesse d’une neutralité quant à l’orientation sexuelle. Je sais bien que pour plusieurs il s’agit d’un automatisme et qu’ils ne sont pas mal intentionnés. Par contre, il faut faire bouger les choses et les sensibiliser au maximum pour que le message fasse son chemin.
Je souhaite à mon fils, et à tous nos enfants, de vivre dans un monde plus tolérant, plus ouvert, où l’orientation sexuelle ne sera plus un sujet d’importance parce qu’il va de soi que l’essentiel est d’aimer sincèrement et de consumer cet amour avec plaisir et respect.