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Quand la maladie mentale se joint à la maternité
Crédit: Riccardo Mion/Unsplash

J’ai toujours eu un tempérament anxieux. J’étais une petite fille stressée qui avait peur de tout et ça n’a fait qu’augmenter avec les années, au fil des responsabilités qui s’accumulaient. 

Tout au long de ces années, j’ai réussi à plus ou moins gérer ces angoisses en contrôlant absolument toute ma vie, afin que celles-ci ne réussissent pas à affecter mon quotidien (pourtant, c’est bien ce qu’elles faisaient, ces petites vicieuses. Sans en être consciente, je m’astreignais à ce régime de vie draconien). Et lorsque ma tête s’affolait et que les peurs m’assaillaient, je me disais que j’étais plus forte qu’elles et, par orgueil, je m’en servais pour aller toujours plus loin, monter toujours plus d’échelons, en faire toujours plus afin de me montrer qu’elles ne gagneraient pas. 

Et j’ai eu un enfant et mon monde s’est fissuré pour finalement éclater en mille morceaux

Parce que dorénavant, je n’avais plus qu’à gérer mes propres angoisses, je devais également gérer celles que je ressentais envers lui. Il dépendait complètement de moi et je me devais de le protéger de tout, d’absolument tout. Alors, j’ai intensifié ma vigilance et me suis imposé un rythme de vie encore plus serré afin de lui éviter d’hypothétiques problèmes et situations anxiogènes. Je l’ai carrément mis dans une bulle et je me suis isolée par le fait même

Enfermées entre les quatre murs de la maison, les peurs ont pris toute la place. Dans ma tête, dans mon corps, dans mon cœur, dans ma famille et dans mon couple. Dire que j’ai profité de la première année de ma maternité est une utopie. Et pourtant, j’avais l’enfant le plus sage, souriant et facile dont j’avais pu rêver malgré quelques ennuis de santé au début de sa vie qui n’ont qu’alimenté le feu qui brûlait déjà dans tout mon être. 

J’étais quand même réaliste et je voyais bien qu’il n’y avait rien de normal dans la situation. Je suis allée chercher de l’aide psychologique. Je l’ai fait surtout pour mon enfant, puisque je ne voulais surtout pas lui transmettre mes angoisses et qu’il devienne tout comme sa mère, un enfant qui a peur de tout et qui fuit les sources d’angoisse. À force de séances de thérapie cognitivo comportementale, de prises de conscience, de petits défis, j’ai retrouvé un semblant d’équilibre… jusqu’à mon retour au travail. 

Les anxieux sont également des perfectionnistes aguerris. J’étais fébrile de recommencer le boulot, j’avais hâte de sortir de la maison et de voir que je valais autre chose qu’être bonne à changer des couches malgré tout l’amour que je portais à mon bébé. Je me suis investie à fond dans ce retour au travail, voulant démontrer à tous (et surtout à moi-même) que je pouvais être une jeune professionnelle avec de l’ambition, réussir ma carrière, être une maman exemplaire, une épouse modèle et une ménagère hors pair. Mais la réalité, c’est qu’il est impossible d’être à 150 % dans toutes les sphères de sa vie. Il y aura inévitablement une sphère qui sera pénalisée par rapport aux autres. Et c’est moi (et ma famille par conséquent) qui en ai payé le prix. Car dans mon calcul, j’avais omis de me compter comme une variable essentielle dans l’équation de mon bonheur.

J’ai frappé un mur. Solide! C’est ma mère qui est venue me sortir de mon lit où je me terrais épuisée et en larmes pour consulter un médecin (comme quoi une mère le reste toute sa vie). 

C’est là que le diagnostic est tombé : trouble anxieux généralisé avec épisodes dépressifs et agoraphobie. Outch! Ça fait mal à l’orgueil. Complètement dans le déni, je suis allée voir la psychologue qui me suivait depuis plusieurs mois qui a malheureusement confirmé le diagnostic. Double outch! Moi qui pensais que mon humeur était passagère et que tout serait bientôt terminé, j’avais soudain l’impression que le chemin était beaucoup trop long et que je n’en verrais jamais le bout. 

Surtout, j’avais peur de ne plus pouvoir être une bonne mère pour mon bébé, de ne plus être en mesure de prendre soin de lui et pourtant je voulais tellement être là. 

Ce n’est donc pas de gaieté de cœur que j’ai commencé la médication prescrite (moi qui généralement ne prend même pas de Tylenol), que j’ai intensifié les séances chez la psychologue en ajoutant des consultations avec une travailleuse sociale tout en repoussant mon retour au travail et en faisant beaucoup de marche et de méditation. Pour la première fois de ma vie, j’ai pris du temps pour moi. Je me suis choisie et j’ai choisi de guérir mes démons pour aller mieux

Honnêtement, avec du recul, c’est le plus beau cadeau que je me suis fait. Je suis maintenant consciente de la maladie que je trainais depuis si longtemps. J’ai enfin pu mettre des mots sur ce que je ressentais depuis tellement d’années sans pouvoir l’identifier et m’outiller pour y faire face. J’ai maintenant une vraie vie de famille, de couple et j’ai même repris le boulot, mais surtout je me sens en paix avec moi-même. La maladie sera toujours là, mais je suis beaucoup plus que ça et je compte bien travailler très fort pour ne pas la laisser gagner en mettant mes limites et en m’écoutant pour une fois

Comme quoi parfois, il faut atteindre le fond pour pouvoir se donner le swing nécessaire pour remonter à la surface.

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