Lorsque nous étions petites ma sœur et moi, ma grand-mère avait tout un lot d’expressions saugrenues qui nous faisaient rigoler, mais qui nous horripilaient aussi parfois! Comme nous étions voisins, nous passions énormément de temps chez elle. C’est dire comme elle a eu des occasions de nous en dire de toutes les sortes. J’ai fait le tri et j’ai choisi les 5 expressions qui me plaisent le plus.
1. Laisse-toi sécher le nombril!
Lorsque ma sœur et moi avions des idées de grandeur qui ne correspondaient en rien à des jeunes filles de notre âge, ma grand-mère nous disait affectueusement, avec une pointe d’ironie, de nous laisser sécher le nombril. Oui, oui, comme celui d’un nouveau-né! Un tantinet exagéré, certes, mais ô combien efficace pour rendre en image le principe que nous étions trop jeunes pour pareilles ambitions.
2. Tu feras pas ton avenir habillée d’même!
Lorsque nous étions drôlement accoutrées, ma grand-mère nous le faisait savoir sans gêne d’un « Hiii, môman, tu feras pas ton avenir habillée d’même! » Celle-là, il faut dire que je l’aimais beaucoup, parce que je sentais au fond de sa voix qu’elle avait le goût de rire tellement l’agencement de nos vêtements était ridicule. J’avoue que je prenais un malin plaisir à partir de chez moi dépareillée et à espérer qu’elle la sortirait à mon arrivée.
3. Si tu es encore capable de compter, c’est que t’en as pas assez fait!
Les samedis matins, je me levais et je mettais la main à la pâte pour faire le ménage de la maison. Il faut dire que j’ai plus ou moins de mérite, j’avais de l’argent de poche pour ça. Après tout mon bon travail, j’allais chez ma grand-mère m’évacher et lui raconter me plaindre de tout ce que j’avais fait. Me croyant vaillante et dans l’espoir de recevoir des éloges, j’avais plutôt droit à « si t’es encore capable de compter, c’est que t’en as pas assez fait! » D’une fois à l’autre, je me disais que cette fois j’en aurais fait suffisamment pour qu’elle s’abstienne de ce commentaire, mais tous les samedis j’y avais droit.
4. On dit pas c’est pas bon, on dit j’aime pas.
Comme bien des enfants de notre âge, nous étions réticentes à l’idée d’essayer de nouveaux aliments. Quand le courage nous prenait, nous étions rarement de ceux qui s’exclament comme c’est bon! Ainsi, nous avions la mauvaise habitude de dire que ce n’était pas bon. Du tac au tac, ma grand-mère nous répondait qu’on ne disait pas que ce n’était pas bon, on disait qu’on n’aimait pas. Il y a là d’ailleurs toute une différence. Une petite leçon de respect quant aux goûts de chacun.
5. Grossier personnage!
Dans les réunions de famille, mon père et ses frères avaient des discussions animées et plutôt vulgaires. Croyante et les oreilles chastes, ma grand-mère s’étonnait à chaque fois qu’ils puissent sortir de telles énormités, elle qui les avait élevés de si bonnes manières. Avec le temps par contre, elle avait développé une résistance et certains commentaires ne l’étonnaient plus beaucoup. Lorsqu’ils dépassaient les bornes, elle s’exclamait d’un « Grossier personnage! » Même si je ne comprenais pas la portée de cette délicieuse expression, je la trouvais drôle par l’hilarité générale qui s’ensuivait.
Ma grand-mère est toujours là aujourd’hui, fidèle au poste, pour nous les redire lorsque la situation s’y prête. Comme nous sommes loin toutes les deux, ma sœur et moi, les occasions se font plus rares, mais elle n’en manque pas une. Je la remercie d’ailleurs d’avoir coloré ainsi notre enfance et de nous avoir appris, à plusieurs autres occasions, à parler correctement notre langue et à en faire l’un de nos atouts.