On ne devient pas toujours adulte à la majorité. On ne devient pas toujours mère en accouchant. Qu’on appelle ça la maturité, l’instinct maternel… peu importe. Quand j’ai tenu mon enfant dans mes bras pour la première fois, j’avais 24 ans. Je n’étais pas tout à fait une adulte ni tout à fait une mère.
Ce matin, après un deuxième café et une douche, j’ai décidé de plier le mont Everest de vêtements que j’avais lavés la veille. J’accumule souvent le pliage de la semaine, non pas parce que je déteste particulièrement cette tâche. Je choisis plutôt ce moment pour faire une introspection et philosopher un peu sur ma vie (ou dresser mentalement ma liste d’épicerie, ça dépend des jours).
Alors mes pensées m’ont menée à comparer la personne que j’étais il y a un peu plus de dix ans (alias avant enfant) à celle que je suis aujourd’hui. J’ai dressé un portait assez positif dans l’ensemble, bien qu’il y ait quelques zones grises. J’en ai conclu que la vie est ainsi faite : comment goûterions-nous à la saveur du bonheur si tout était facile?
Je suis une optimiste. En tombant enceinte, je croyais candidement que s’occuper d’un bébé se limitait grosso modo à l’alimentation, les couches et les nuits blanches. Je n’avais pas tout à fait réalisé à quel point ma vie allait changer. J’analysais la maternité comme une aventure amusante et pas trop compliquée. Amusante, j’en conviens. Pas compliquée, ça reste un point à débattre, bien que je sois consciente d’avoir eu un bébé qu’on qualifierait de « facile ». Et malgré mon bébé « facile », j’ai passé des jours et des nuits à essayer de comprendre pourquoi il pleurait. Chaque réponse amenait d’autres questions. Et lorsque mon bébé est devenu enfant, ce n’est pas devenu plus clair de m’y retrouver. J’ai souvent été prise au dépourvu et je n’ai pas toujours été l’adulte lors de crises existentielles. J’ai parfois douté, perdu patience, pleuré de honte ou d’incompréhension. J’ai constaté que l’éducation était LE défi de toute ma vie et que cette responsabilité était lourde de conséquences.
La femme d’aujourd’hui rit gentiment au souvenir de celle qui ramenait son poupon à la maison. Qui voyait le chemin de la maternité comme un long fleuve tranquille. J’exagère un peu (c’est mon côté passionné), je n’étais pas tant que ça sur mon nuage rose. Juste un peu plus naïve. Ce n’est que quelques semaines plus tard que j’ai donné naissance à la mère en moi. Et depuis, la mère en moi est en constante formation afin de faire de ce petit bout d’humain une bonne personne.
Je crois que devenir mère c’est protéger, consoler, transmettre, écouter, mais également se remettre en question et se sentir parfois à côté de la track. Être mère, c’est gratifiant et ça fait mal tout à la fois. Quand je suis fatiguée et anxieuse, quand mon enfant me voit dans mes mauvais jours, mais qu’il me dit quand même : « Maman, tu es belle, je t’aime », c’est une joie incroyable. Alors, je sais que je suis là où je devrais être, que je fais ce que je devrais faire. Malgré mes erreurs et mes incertitudes, je lui transmets ce que j’estime être bon et juste, et surtout je lui donne tout mon amour.
Arrivée à la dernière débarbouillette pliée, j’avais tant réfléchi à ce sujet que j’avais écrit dans ma tête tout ce billet. Dans mon panier par contre il n’y avait pas mes leggings noirs, ceux que j’attendais justement de trouver dans ce fouillis pour finir de m’habiller. Je commençais à avoir froid aux jambes. Je les ai trouvés au fond de la garde-robe, car l’objet de mes recherches est souvent là où je regarde en dernier. Une autre chose que j’ai apprise. Si la Moi de 24 ans était entrée dans la pièce à cet instant précis, si elle m’avait vue telle que j’étais avant d’écrire ces lignes : cheveux mouillés, dépeignés et portant chandail et petite culotte pour plier une tonne de lavage, sans doute m’aurait-elle demandé mi-inquiète mi-horrifiée : « Mais qu’est-ce qui t’es arrivé? »
Et c’est en souriant que je lui aurais répondu : « Bien des choses, mais tout est sous contrôle! »