Elle est née fille. Ç’aurait peut-être été moins pire, plus tard, si elle avait été née garçon. Mais peut-être pas aussi, la société étant ce qu’elle est.
Elle est née fille. Rose, Barbie, poupée. Des stéréotypes auxquels je ne voulais succomber, mais mon dieu qu’elle est belle en rose, ça fait ressortir ses petites joues et ses yeux pour l’instant bleus.
J’espère tout de même secrètement qu’elle préférera les Legos et les autos aux Barbies, j’ai toujours trouvé ça un peu plate, les Barbies. J’ai vague souvenir que mon frère leur arrachait la tête… Et jouait avec des Legos. Et comme bien des petites sœurs, je préférais faire comme mon frère.
Bref, elle est née fille.
Ce ne sera pas toujours facile. Elle voudra ressembler à toutes les autres, être habillée comme toutes les autres. Et même si on lui dit chaque jour à quel point elle est belle, elle passera probablement son adolescence à se trouver des défauts.
La couleur de ses cheveux. La couleur de ses yeux. Les lunettes ou les pas-de-lunettes. Les dents parfaites ou parfaitement croches. Trop petite. Trop grande. Trop mince. Trop grosse. Trop large. Trop effilée. Pas assez de seins. Trop de hanches. Pas assez de fesses. Trop de cuisses.
Elle en trouvera, des raisons, de ne pas s’aimer.
Elle supportera mal les petites blagues maladroites d’ici et là. Parce qu’on ne dit pas ça à une fille, franchement! Combien de fois l’avez-vous entendu, cette réplique-là? Mais j’espère qu’elle comprendra. Qu’elle comprendra que ce n’est pas parce que c’est une fille qu’on ne doit pas lui dire ça, mais bien parce que certaines choses ne se disent pas, point. Qu’on soit fille ou garçon, cela n’a peu d’importance, les remarques vexantes sont non genrées.
J’ai de la chance : je ne prends pas mal les petites remarques, parfois maladroites. Mon copain pourrait bien me dire que j’ai grossi, que j’ai maigri, que j’ai l’air fatigué, que j’ai un cheveu blanc. Je le prends parfois mal si c’est vexant, oui, mais en dehors de mon genre. Pas « parce qu’on ne doit pas dire ça à une fille ». J’ai appris à m’aimer comme je suis, avec mes imperfections, parce qu’on en a tous, et j’espère que ma fille y arrivera aussi, mais encore plus jeune, pas seulement une fois adulte.
Je souhaite que lorsqu’elle sera adolescente, le monde aura changé. Qu’il ne faudra pas absolument avoir les dents droites et la bedaine plate pour être acceptée. Qu’elle sera libre de son habillement, de ses goûts, de sa façon d’être, sans jugement.
Elle est née fille. Mais je ne crois pas que ç’aurait été plus facile si elle était née garçon. Eux aussi, ils subissent une pression immense pour être parfaits.
Et si on arrêtait d’imposer des standards de beauté et de perfection?