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Il ne reste plus personne dans la salle d’accouchement sauf la gynécologue, une infirmière et moi. Toujours sous l’effet incroyable des endorphines, je discute placenta avec elle. Elle prend même quelques minutes pour les sortir du pot et me les montrer comme il faut. J’étais contente de voir ces organes qui m’ont permis de nourrir mes bébés pendant 37 semaines. Je leur ai même murmuré un petit merci avec des larmes dans les yeux.
Fraîchement recousue, on me ramène à ma chambre. Mon amoureux et les bébés ne sont pas encore de retour. C’est irréel de s’y retrouver sans souffrir, et seule. Les minutes passent et il arrive suivi d’un berceau dans lequel y sont déposées Marianne et Camille. J’ai hâte de les mettre au sein et de les voir de plus proche pour immortaliser chacun de leurs traits dans ma tête. Les infirmières m’aident à les installer en tandem et à leur extraire du colostrum. Elles ont plein de cheveux, sentent le ciel et sont minuscules. J’appelle mes parents pour qu’ils viennent les rencontrer. Je suis très faible et je peux à peine parler.
Je dors à intermittence avec les boires et l’effet de l’endorphine se dissipe malheureusement. Dès le lendemain matin, j’ai l’impression que mes lady bits ont rencontré une mine antipersonnel. C’est brutal. J’ai de la misère à sortir du lit. Mes beaux-parents viennent nous visiter et nous prenons le reste de la journée tranquille pour se reposer et s’adapter au rythme de nos petites.
Le jour suivant, je suis vraiment en forme. Je suis de bonne humeur et j’ai plein d’énergie. On a de la visite en après-midi et en soirée. J’ai été capable de me lever. Je suis même pas découragée par le fait qu’à chaque fois que je me mets debout, la gravité fait son œuvre et je me fais pipi dessus. Les infirmières commencent toutefois à s’inquiéter du taux de bilirubine de Marianne. Les filles, malgré mes tentatives assidues d’allaiter, perdent beaucoup de poids. On commence donc, en plus de l’allaitement, à les supplémenter à l’aide d’un dispositif d’aide à l’allaitement (DAL). Le DAL consiste en une seringue dans lequel on met du lait maternel ou maternisé. La seringue est connectée à un petit cathéter que l’on insère dans la bouche du bébé et lorsque ce dernier tète soit au sein ou sur un doigt, il boit ce liquide à son rythme. C’est très utile en attendant la montée laiteuse.
Le troisième jour, c’est très gris dans ma tête. J’ai peu ou pas d’énergie et je pleure en sanglot de mon réveil jusqu’au coucher. Je pleure parce que je suis épuisée. Je pleure parce que j’ai peur de ne pas être en mesure de relever ce grand défi qu’est la maternité. Je pleure parce que j’ai encore très mal. Je pleure parce que j’ai faim, mais pas faim en même temps. Je pleure aussi parce que je m’ennuie de mon chat et que j’ai la chienne que mes enfants soient allergiques. Mon chat, c’est mon premier bébé après tout. Ma mère me texte plein de photos de mon chat et mon amoureux me rappelle que je suis la meilleure maman pour nos enfants et qu’il me trouve magnifique. Une de mes infirmières me dit que la troisième journée est souvent très brutale, et de ne pas me décourager, que le lendemain je serai dans un tout autre état d’esprit.
Pis elle avait raison! Nous sommes restés 6 jours à l’hôpital. D’une part parce que je tenais à allaiter et que les infirmières m’ont offert un énorme soutien. Elles m’ont aidé à me remettre sur pied, à prendre confiance et à mettre en place cet allaitement. Équipée d’une téterelle, ça se passe déjà beaucoup mieux. Marianne est aussi suivie rigoureusement, car elle est toujours trop près de la jaunisse. Après plusieurs prises de sang sur son petit talon, mon cœur de maman est bien tanné. Je demande si un traitement préventif est possible. Elle continue de perdre du poids, et sans que sa situation se détériore, elle ne s’améliore visiblement pas. Les médecins lui prescrivent la biliblanket. Traitement moins invasif que le gros lit de bronzage. Il s’agit d’une plaque qui émet des rayons UV sur lequel on couche le bébé et l’emmitoufle avec. Elle a subi ce traitement 18 heures de temps, puis est finalement sortie de la zone limite. Enfin!
Crédit : Pascal Lapointe
Six jours après le plus grand jour de nos vies, le médecin nous donne finalement notre congé. Je n’ai pas quitté ma chambre une seule fois durant ces 6 journées. C’est comme si le monde extérieur n’existait plus pour moi. J’étais complètement dans ma bulle. Quand je mets finalement le pied dans le corridor, j’ai la tête légère et tout semble irréel. On dit au revoir à ces femmes qui m’ont accompagnée dans cette grande étape. Ces femmes qui ont changé nos vies. Un sentiment doux-amer m’habite, mais je suis maintenant prête et j’ai très hâte de voir mon chat. Dans l’ascenseur, un agent de sécurité nous offre un ticket de sortie pour le stationnement et nous aide à porter nos bagages jusqu’à la sortie. Les gens qu’on croise ont les yeux qui brillent lorsqu’ils nous félicitent.
Je prends une bonne bouffée d’air frais. Il neige à plein ciel.
J’ai le sourire au visage, j’aime tellement la neige.
Je suis prête, maintenant.