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Nous ne verrons jamais notre fils
Crédit: Markus Spiske/Unsplash

Je lève les couvertes du lit pour m’y glisser. J’ajuste l’oreiller sous mes genoux. La couverte remontée jusqu’au menton, je suis prête à dormir. Je ferme les yeux, mais je ne dors pas. J’ai une boule à l’estomac. Une envie irrépressible de pleurer, d’éclater en sanglots.

Les premiers mois ont commencé doucement. Un, deux, puis trois. J’en suis à sept maintenant. Il mange déjà, il rampera bientôt. Je me réveillerai demain matin et je devrai retourner au travail. Je le laisserai à la garderie, souriant en lui faisant au revoir, comme je lui ai appris. J’entrerai dans l’auto le cœur serré, comptant le nombre d’heures avant de revenir le chercher.

Je reviendrai le chercher, après presque une heure dans le trafic. Le souper sera prêt dans la mijoteuse. Papa arrivera quelques minutes plus tard. Nous nous assoirons à table ensemble, le chien couché à nos pieds. Nous discuterons comme à l’habitude. Et il faudra laver bébé, en lui permettant de jouer un peu, éclaboussant l’eau du bain jusqu’au plafond. Et le temps nous manquera pour jouer quelques minutes de plus. Je le bercerai en sentant le parfum de son savon dans ses cheveux roux. Je le déposerai doucement, avec beaucoup d’amour, dans son lit. Puis je trouverai, à mon grand désarroi, que le temps passe trop vite. Et j’aurai cette boule dans l’estomac au moment où j’entrerai dans mon lit, cette envie irrépressible de pleurer, d’éclater en sanglots.

Je me rappellerai le temps où, quelques mois plus tôt, je m’imaginais comme je le verrais si peu. Que j’avais l’impression que nous avions fait cet enfant pour ne pas le voir. Une heure le matin et deux heures le soir. Que ce n’était pas une vie, que je mourrais d’ennui et de culpabilité. Même si je sais qu’il est sain pour lui de rencontrer tous ces gens et de les côtoyer ainsi. Puis, je me consolerai en pensant à la fin de semaine qui approche et au samedi matin où nous rirons en mangeant des crêpes.

Je me rappellerai peut-être aussi comme j’avais exagéré. Que tout ça est plus dur sur le cœur de maman que sur le cœur de bébé. Que son sourire me confirme que je fais bien les choses. Que nous devrons simplement désormais prendre le temps de nous arrêter. Et que pour lui, le temps vaudra toujours la peine de s’arrêter.

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