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Shit… J’ai du temps…
Crédit: Rachael Crowe/Unsplash

Avant de devenir parent, est-ce qu’on vous a mis en garde de tout ce qui vous attendait? Que vous n’auriez plus de vie, plus de temps personnel, plus de temps de couple, plus de sommeil, plus de sexe? Puis, un moment d’inconscience (ou de courage, c’est selon) est passé. Le processus s’est enclenché, et les enfants sont arrivés.

Dans mon cas, les enfants sont arrivés avec un paquet de problèmes et de défis connexes qui faisait en sorte que ce manque de toute était assez intense. Ma vie était bookée mur-à-mur, et le temps pour souffler était rare. Lorsque j’en prenais, c’était avec culpabilité de ne pas être en train de faire quelque chose dans la pile d’affaires urgentes. Bref, je ne crois pas que j’aie vraiment besoin de vous expliquer ça ; ça doit pas mal être votre quotidien.

Depuis un an, je sens que j’ai un mode de vie un peu plus sain avec plus d’espace, mais pas trop non plus. Ça reste rempli, je respire, mais je n’ai pas trop de temps libre non plus. T’sais, le temps qu’on avait quand on était enfant. Ce temps où on errait, où on se demandait quoi faire, où on s’ennuyait.

Mais là, mon rythme de vie est en train de décélérer. J’ai encore plus d’espace que j’en avais. T’sais, LE moment auquel je rêvais quand c’était intense. Pis je capote…

Je capote, parce que je ne sais pas quoi faire avec ce temps. Ça fait je ne sais pas combien de temps que je rêve d’avoir du temps, pis je ne sais pas quoi faire avec. Je vis de l’anxiété. J’actualise mes pages de réseaux sociaux aux 10 secondes. Je mange plein d’esti d’affaires pas rapport même si je n’ai pas faim pour passer le temps. Je suis déjà une personne active, mais là, je me rends compte que j’ai parfois envie de bouger juste parce que je capote de pas savoir quoi faire…

Je réalise avec découragement et avec honte que ce rythme effréné complètement malsain dans lequel j’étais depuis des années me servait… Il me servait à me donner l’impression que j’étais vivante. Que je servais à quelque chose. Et maintenant, je n’ai plus de feux à éteindre. Et. Je. Ne. Sais. Pas. Quoi. Faire.

Fait que je me cherche. Mais je ne sais pas où me chercher. Je me regarde aller mi-découragée mi-amusée lorsque je me mets à faire du ménage. Je ne suis vraiment pas Madame Blancheville dans la vie. Mais là, je sais tellement pas quoi faire, que je ramasse ce qui traîne. Ça m’occupe big time. Mon chum dit en blague aux enfants de pas trop traîner, car je vais les ranger dans l’armoire.

Je ne commence rien, parce que je ne sais pas quoi commencer. J’ai plein d’idées, mais je ne sais pas par quel bout les prendre, fait que je ne les commence pas. Je me souviens de mon enfance et de mon adolescence ou le temps libre était, aussi à l’époque, synonyme d’angoisse. Ma mère m’avait envoyée dans un camp de vacances à l’été de mes 10 ans, parce que j’avais hâte que l’école recommence au début juillet… À mon adolescence, je faisais des siestes quand je n’avais rien à faire.

Je me trouve pathétique… Et en même temps, j’essaye de m’accorder de la douceur… Je réalise que je n’ai pas appris à prendre plaisir à m’ennuyer. Que ce temps seul avec moi-même m’angoisse. Que cette relation avec moi-même est associée à quelque chose de négatif. Je n’ai pas appris à prendre ce temps, me l’approprier, le transformer en quelque chose de créateur, en plaisir, en jeu, en exploration. À la fois, ça me rend triste de voir que j’ai cette image de moi. Ça me frustre de constater qu’il y a quelque chose de l’ordre de la socialisation des femmes dès le jeune âge associé à cette réalité. Ça me fait peur lorsque je me demande si je vais arriver à développer cette capacité…

Et en même temps, je suis capable d’écrire un texte sur le sujet. Je me donne cette liberté-là. Celle de me voir imparfaite dans mes expérimentations, d’accepter de tolérer que je vais sûrement me faire juger par d’autres, et d’apprivoiser l’idée de me donner le droit de vivre différemment avec le jugement des autres.

Je n’ai aucune idée des prochaines étapes à venir. De celles qui mèneront au succès et de celles qui seront des échecs. Mais c’est peut-être un peu ça, aussi, qui fait en sorte que je suis sur le bon chemin : j’accepte, je tolère que je ne sache pas trop et ça ne me paralyse pas. J’entre en action sans trop savoir. C’est sain, je pense.

Envoyez-moi du courage si le cœur vous en dit, je suis preneuse.

Bon début d’année 2018!

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