Lorsque mon amoureux et moi avons pris la décision d’avoir un enfant, nous avons décidé que nous laisserions les mois passer jusqu’à ce que je termine ma prescription d’anovulants. Ainsi, j’ai eu plusieurs mois pour me préparer à la grossesse.
D’emblée, je savais que je ne boirais pas d’alcool, que je ne mangerais pas de brie ni de prosciutto et que le jaune de mes œufs se devrait d’être bien cuit. Je savais aussi que je devrais être vigilante pour ne pas tomber sur la glace, que je ne grimperais pas sur le comptoir pour prendre un plat dans le haut des armoires, et qu’à un moment, j’aurais peine à attacher mes souliers. J’avais calculé bon nombre de concessions que je me devais de faire et j’étais prête à les faire de bonne foi.
Les premiers mois de grossesse ont passé et malgré la fatigue au travail, je m’en sortais plutôt bien. À mi-chemin, j’ai commencé à me sentir débordée. Mes tâches n’avaient pas été modifiées, la charge de travail était la même, mais je n’y arrivais plus. Moi qui avais de l’énergie, du dynamisme et une grande stimulation à performer sous la pression, je n’arrivais pas à établir l’ordre efficace de mes tâches. Je prenais panique devant ma boîte courriel, à moitié vide, dont quatre éléments n’avaient pas été lus. Je les regardais et ne savais plus où mettre de la tête.
J’ai pédalé un moment, en silence, avant de m’avouer que je n’étais tout simplement pas capable. J’avais tout anticipé. Tout, sauf ça. J’étais déçue. J’étais déçue, de moi. Je devais accepter, malgré l’orgueil, que je n’étais simplement plus capable. Malgré une meilleure planification ou une liste de tâches bien établie, dès qu’un imprévu arrivait, je paniquais. Je n’étais pas plus épuisée à la fin de la journée. Physiquement, je gérais. Dans ma tête, par contre, j’étais vidée.
J’ai dû m’accorder quelques semaines pour l’accepter. Accepter de quitter plus tôt que prévu un travail que j’adorais en ayant le sentiment d’abandonner, mais en prenant plutôt soin de mon bébé et de moi. Accepter que je ne suis pas une mauvaise employée, même si je ne cadre pas dans les critères que je m’étais donnés. Puis, avoir l’humilité de l’avouer et de céder ma place à une personne qui saura le faire, elle.
Je comprends aujourd’hui que j’ai bien fait de ne pas m’acharner et de suivre les recommandations de mon médecin. Il m’aura fallu plusieurs semaines, seule chez moi, pour comprendre que je n’étais pas invincible et que ronde de ce petit bébé, j’étais peut-être plus humaine que jamais.