Ce vendredi-là, je m’offrais un rare moment en tête à tête avec mon garçon. Sa grande sœur étant chez une amie, nous en avions profité pour faire « une journée de grands », comme je les appelle.
Les journées de grands, c’est assez spécial dans notre famille : c’est un moment seul avec moi où on lunche dans un resto de leur choix et où j’en profite pour faire quelques courses avec eux – ok, c’est pas si fancy, mais à voir leur bonheur quand on le fait, je comprends que ce qui compte, c’est du temps de qualité ensemble, pas tant le reste.
Comme mon beau garçon allait commencer la première année, il était excité de m’accompagner et de faire en tête à tête avec sa maman, les derniers achats en prévision de la rentrée scolaire.
« Tu préfères le rouge ou le turquoise, mon bébé? »
J’étais dans un bout d’allée, un aiguisoir dans chacune des mains, et dans ma tête, je demandais tout bonnement quelle était la préférence de mon garçon. Mais en fait, c’est aussi là, tout « bonnement », que sa réaction m’a fait comprendre qu’il grandissait plus vite que je ne l’acceptais.
En réponse à ma question, son beau visage parfait a rougi. Puis il s’est approché de moi et a chuchoté : « Maman, peux-tu arrêter de m’appeler ton bébé s’il te plaît? » C’était dit tout doucement, tout calmement. Ses grands yeux cherchaient les miens. Ses grands yeux cherchaient à prendre soin de moi. Et ça tombait pile, parce que oui, j’avais un peu mal.
Gabi, c’est mon dernier. Et depuis sa naissance, c’est mon bébé. Malgré ses six bougies soufflées récemment, je sais que je me l’imagine encore avec des mains potelées et des belles grosses joues. C’est du déni pis c’est peut-être pas correct, mais bon… c’est ça.
Donc il me dit qu’il préfère que je ne l’appelle plus mon bébé et par le fait même, je prends conscience de combien il a grandi. Et parce qu’il est grand, mais aussi, peut-être pas tant, il me propose des règles.
D’abord, il me dit : « À la maison, quand c’est juste la famille, tu peux m’appeler mon bébé. » Quand nous sommes dans la voiture aussi, tant que les fenêtres ne sont pas ouvertes. Ou si elles le sont, je peux l’appeler mon bébé que si je m’assure d’abord que personne ne puisse entendre.
Mon cœur craquait. Je sentais qu’on était un peu, lui et moi, au même point : un pied de chaque côté de la ligne. Devenu un grand, mais encore un peu bébé, mon bébé.
Le reste de l’après-midi, il l’a passé à me faire des câlins et à me dire à quel point il m’aime. Et quand nous sommes rentrés, il m’a dit : « Aujourd’hui maman, c’était une journée parfaite. »
J’écris ces lignes et ça m’émeut. Je pense qu’une partie de moi refusait de le voir vieillir parce que j’avais peur qu’il ne se colle plus autant. Que la partie fusionnelle entre un parent et son bébé s’évapore. Mais non. Il n’en est rien. Du moins, pas maintenant ( lire ici : de grâce, ne me rappelez pas qu’il aura 16 ans un jour!).
Depuis, je respecte les règles qu’il m’a proposées, savourant chaque bisou, chaque câlin. Et puis hier, quand je suis allée le border, j’ai remarqué que son visage avait vieilli. Sa petite demande aura fait son chemin.
Ce qu’il est rendu grand, mon bébé.