Nous sommes arrivés à Montréal il y a quelques années pour les études en doctorat de mon conjoint. Lui, sous visa d’étudiant, et moi, en tant que sa conjointe, avec permis de travail ouvert.
Ces statuts ne donnent pas droit à l’assurance maladie québécoise. Nous avons donc dû prendre une assurance santé privée.
Après deux ans sur place, nous avons réalisé que nous étions vraiment en amour avec cette ville, et avons décidé de commencer les démarches de demande de résidence permanente.
À ce moment de notre couple (10 ans de vie commune), on s’est sentis prêts à devenir parents. En prévision – et on peut dire que cet éclair d’intelligence nous a sauvés – on avait pris la version Premium de notre assurance privée, censée couvrir une grossesse.
Ce même jour où j’ai découvert que j’étais enceinte, j’ai appelé la maison de naissance pour m’inscrire. Là, n’ayant pas la carte soleil, on m’a dit qu’il fallait que je laisse un dépôt de 12 000 $ pour le cas où je serais transférée à l’hôpital. J’ai dégluti bruyamment et, le coeur gros, j’ai décidé de laisser faire, même si un rêve venait de voler en éclats. J’accoucherais donc à l’hôpital.
Au premier rendez-vous chez le médecin, le petit nuage sur lequel on se trouvait s’est teinté de gris foncé. Tout d’abord, pour avoir le droit à un suivi chez le médecin, il fallait ouvrir un dossier et payer à l’avance 8 800 $, frais de deux nuits à l’hôpital. De plus, il fallait compter trois visites durant les deux premiers trimestres, puis une toutes les trois semaines, puis toutes les deux semaines vers la fin. Chaque visite chez le médecin nous était facturée 125 $. Les prises de sang, les échographies, les tests divers, entre 50 et 300 $ à chaque fois. 1 500 $ pour le médecin accoucheur.
En cas de césarienne, il fallait ajouter des frais pour l’anesthésie, les médecins présents, les médicaments, et ajouter à cela du cash pour l’épidurale, l’ocytocine, et 4 400 $ par jour d’hospitalisation.
J’ai fondu en larmes dans le bureau des comptes de l’hôpital. Les 10 000 $ que notre assurance couvrait seraient dépassés en un rien de temps. On allait se ruiner, alors que c’est le moment où l’on a le plus besoin de se sentir en sécurité financièrement.
Est-ce qu’on avait fait une erreur de faire un enfant à ce moment-là?
Finalement, on a tapé dans nos (maigres) économies et on a serré les dents.
Imaginez qu’à chaque visite et test, je croisais deux fois les doigts. Une fois pour mon bébé, une autre pour mon compte en banque.
J’ai réduit au minimum le nombre de visites et d’échographies, continué le yoga pour rester zen, et fait mien le mantra « si tu penses positif, tout sera positif »… (qui marche une fois sur 3, soyons honnêtes).
Et j’ai eu une chance incroyable!
Pas de complications, une grossesse facile et relativement agréable, un accouchement vaginal et sans péridurale, mémorable, mais pas si terrible non plus – tout est relatif –, et au bout de 23 h à l’hôpital, je demandais à l’infirmière de nous laisser sortir, bébé et moi, vu que tout allait bien (mais surtout pour faire baisser la facture à payer de notre poche).
Oui, j’ai eu beaucoup de chance. Je n’ose même pas imaginer ce que vivent les femmes enceintes sans carte soleil avec une grossesse à risque et des moyens financiers précaires.