« Profites-en, ça passe tellement vite! »
Je pense que c’est la phrase que j’ai le plus souvent entendue quand je suis devenue mère. Je me souviens, quand je suis revenue à la maison avec ma fille, je pleurais parce que je ne voulais pas qu’elle grandisse. J’aimais qu’elle soit petite, fragile. Elle avait tant besoin de moi. J’étais… indispensable.
Je me levais la nuit, cernée, fatiguée pour l’allaiter. Je mentirais si je disais qu’il n’y a eu aucun moment où j’aurais souhaité qu’elle fasse déjà ses nuits ou que papa ait des seins, lui aussi. Oh! J’aurais pu tirer mon lait, mais j’étais trop paresseuse puis, je l’avoue, égoïste. Égoïste parce que j’avais ma fille pour moi toute seule et il n’y avait que sa maman pour répondre à son besoin.
Les jours ont passé. Elle me souriait, faisait toutes sortes de grimaces en essayant de se retourner sur le ventre devant mon visage extatique de fierté. Les premières nuits complètes. ENFIN! Je me surprenais à aller la voir, paisible dans son lit, juste pour voir si elle respirait encore. Son petit poing fermé et son pouce dans sa bouche, à rêver à je ne sais quoi. C’est fou, mais je m’ennuyais des nuits où je devais me lever pour lui donner le sein.
Crédit : Vicky Côté
Puis sont venus les premiers mots, les premières dents, les premiers pas, les premiers « Je t’aime, maman ».
Puis un jour, en l’habillant, elle m’a dit : « Toute seule maman. » J’ai figé. Ma fille veut faire quelque chose seule. Non. Déjà? Comme le temps a passé. Elle grandit, ma poussinette. Vite. Trop vite pour mon cœur de maman.
Ensuite, son frère est arrivé. Le sentiment d’être indispensable est revenu. Est-ce que j’en ai plus profité parce que je savais que ce serait ma dernière grossesse? Je ne sais pas. Peut-être. En même temps, ça veut dire quoi « en profiter »? Ce n’est pas un peu utopique? Je pense que c’est le genre de notion que l’on ne comprend qu’après, quand il est trop tard, quand le temps a passé.
Ma fille a eu 4 ans, le 4 février dernier. C’est avec un mélange de fierté et de tristesse que je constate qu’elle s’habille seule, qu’elle est propre, qu’elle se couche seule, qu’elle prend sa gaufre du congélo le matin et la met dans le grille-pain-toute-seule-maman-parce-que-je-suis-une-grande-fille-maintenant.
Le soir, avant de me coucher, je vais border mes enfants. Tous les soirs, sans exception. Je les regarde dormir. Ils ont l’air si paisibles. J’essaie de me rappeler tous leurs petits détails qui, un jour, seront un peu plus flous.
La façon que leur petit ventre a de monter et redescendre au rythme de leur respiration. Ma fille qui a le bout du nez rouge parce qu’elle aime bien faire des fouilles archéologiques nasales avant le dodo. Les fesses de mon fils remontées dans les airs avec ses petits pieds croisés en dessous. La façon qu’il a de tenir sa doudou contre son visage.
Je suis heureuse de les voir grandir, mais je sais que je serai nostalgique de ce qu’ils sont aujourd’hui. Voilà pourquoi je regarde mes enfants dormir parce que je sais qu’un jour, je ne pourrai plus le faire. Ils seront trop grands. Je me coucherai avant eux parce qu’ils seront sortis avec des amis. Parce qu’il y aura peut-être quelqu’un avec eux dans leur lit, qui les regarda dormir.