Je ne peux pas dire qu’ils aient jamais été un highlight dans ma vie sexuelle. Une caresse bien sentie dans le dos, dans le cou, me fait autrement plus d’effet. J’ai peut-être eu trop d’amants maladroits qui me trituraient le mamelon comme un piton de radio ou qui ne s’aventuraient pas ailleurs. Reste que, si certaines considèrent leurs seins comme une zone hautement érogène, pour moi, ils n’ont jamais vraiment été source de feux d’artifice.
Quand j’ai mis des petits humains au monde, mes seins ont trouvé leur voie en jouant leur rôle d’organes nourriciers. Elle était là, leur raison d’être. Moi qui n’avais jamais flashé ma craque pour faire de l’effet, je me suis retrouvée plus souvent qu’à mon tour avec un mamelon échappé du soutien-gorge d’allaitement, qu’une petite bouche goulue attendait avec impatience. J’ai allaité sans gêne, partout, tout le temps.
Le hic, c’est qu’à force de nourrir et de nourrir encore, de ne plus vraiment m’appartenir, mes seins ont fini par devenir à mes yeux complètement (encore plus) désexualisés.
Au départ, ça s’est fait insidieusement. Pendant la grossesse, mes mamelons étaient vraiment sensibles. Mon petit mari n’avait qu’à bien se tenir. Ma poitrine était si douloureuse qu’elle a été bannie des jeux sous la couette. Momentanément, se disait-on. Après l’accouchement, les gerçures, la montée de lait fulgurante, mais surtout le fait d’avoir le bébé constamment au sein, rendaient tout autre contact proscrit.
Puis, petit à petit, un constat s’est imposé. Je devenais mal à l’aise lorsque mon mari me touchait. Dans ma tête, ma poitrine était dévouée à nourrir nos enfants. J’avais de la difficulté à faire le switch. Je n’étais pas capable de faire cohabiter ces deux fonctions dans le même corps. J’ai fini par comprendre que je n’avais pas envie que mes seins soient stimulés sexuellement pendant ma période d’allaitement.
C’est sûr que cette situation a frustré mon mari. Nous en avons ouvertement discuté et il s’est montré vraiment compréhensif. Pas toujours facile à gérer, le fait que mes seins soient un no man’s land. Mais une fois que nous avons établi mes limites, il n’a pas cherché à insister.
Ça m’a fait du bien de me réapproprier cette partie de mon anatomie. J’ose poser des limites claires, relativement à ce que j’aime, à ce dont j’ai envie, ce qui me fait plaisir. Sans avoir peur du rejet de mon partenaire.
Ça me permet aussi de me réconcilier avec l’allure de mes seins post-allaitement. De les voir tels qu’ils sont, selon leur fonction biologique, et non pas sous la loupe de quelconques dictats esthétiques. Comme ça, mon mari, mes seins et moi, on se réapprivoise, tranquillement.