Gwyneth Paltrow est une femme, une mère, une actrice et une souveraine qui, depuis quelques années, a construit tout un empire autour du fait qu’elle est donc épanouie, fantastique et namasté et tout le tralala. Elle croque dans les pommes juteuses, propose des endroits où réaligner ses chakras, est à l’affût des restaurants tendance qui offrent des crèmes glacées de perles concassées et vend des dildos en or plaqué pour des plaisirs coquins sous son label Goop. Dernièrement, elle a sorti un tout nouveau livre de recettes intitulé It’s All Easy.
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Le livre proclame qu’on y retrouve des recettes simples et faciles pour les gens super occupés et qu’elles sont plus rapides et efficaces à cuisinier que de se commander un takeout de chez Thaï Express. Peut-être que le livre est exceptionnel, je ne l’ai pas lu, je me suis simplement arrêté au titre et au sous-titre agaçants, car le but de cet article n’est pas de casser le livre de Gwyneth, mais bien de réfléchir à cette tendance qu’ont les guides et livres destinés aux parents (ou aux autres) à utiliser l’expression « c’est facile ». En fait, depuis que j’ai un p’tit, le « c’est facile » m’irrite un peu le poil des jambes et tout le reste de ma joie de vivre. Pour de kessé que vous vous demandez? Asseyez-vous, prenez un p’tit biscuit Breton, j’vais vous expliquer en long pis en large pourquoi.
Commençons par un exemple simple : vous êtes entre amis ou collègues sur l’heure du lunch, chacun avec son p’tit plat Tupperware et sa salade au poulet pis là, vous vous plaignez, voire braillez, que vos nuits sont cauchemardesques depuis un bon boutte, votre p’tit n’est pas couchable le soir et se réveille huit fois par nuit pour finalement se réveiller aux aurores le matin. Vous cherchez un peu d’empathie, le soutien des autres et, surtout, à ventiler avant de retourner au boulot. La plupart des gens ont la bonne réaction, soit de hocher de la tête en sympathisant avec votre malheur personnel en lâchant un « pauvre toi! », ou un « ouain c’est pas l’fun ce bout-là » tout en vous offrant une caresse amicale. MAIS, arrive toujours l’âme charitable et bienveillante qui offre le : « ben non, c’est facile dans le fond, t’as juste à faire ça. », « c’est facile, tu lui dis ceci ou cela, c’est tout. ». Ouain… Mais mettons que shut up please.
Je suis enseignant, et moi aussi j’ai utilisé le « c’est facile » beaucoup trop de fois. Puis dernièrement, on m’a fait réaliser une chose : imaginez le pauvre p’tit chou qui, lui, ne comprend pas le problème. Il ne comprend pas l’activité demandée et son prof annonce alors, « C’est facile. Un enfant de 4 ans pourrait faire ça! ». Ouch, l’estime de soi. Ouch, la persévérance. Transposez-le « c’est facile » pour un parent maintenant. Il a tout fait pour gérer la crise. Le timeout, écouter, discuter, gronder, ignorer, menacer, chicaner, apaiser, sacrifier une chèvre… Rien ne marche. Et l’autre, là-bas, annonce que « non, c’est facile! ». Comment le parent à bout de nerfs se sent-il? Comment se sent celui qui n’est pas capable d’endormir son bébé rapidement? Ou celui dont l’enfant pète une coche à chaque fois qu’il faut quitter le parc?
Il n’y a rien de « facile » dans le monde des parents. « Facile », c’est un mode de jeu vidéo, ce n’est pas la vraie vie. Oh sure, il y a des bouts où ça va comme sur des roulettes. Ces moments Instagram où votre p’tit s’est endormi les fesses dans les airs sur son trampoline. Ces moments où votre p’tit mange effectivement tous ses légumes et qu’il a de belles selles molles qui ne beurrent pas tout votre bol de toilette. Ces moments où il fait effectivement ses siestes deux fois par jour et ne se réveille pas en grognant comme un clochard/junkie en manque de son fix.
Pis il y a tout le reste. Il y a la nuit, LA nuit, où le bébé se réveille toutes les demi-heures et que vous pensez que ça y est, votre instinct parental est sur le point de flancher. Pis finalement, la nuit a passé, pis tout le monde est vivant et les parents sont traumatisés à vie. Il y a les moments où le p’tit fait un caca si énorme et monstrueux dans un endroit public que vous devez jeter la couche et le pantalon dans les toilettes du restaurant, vous faufiler vers la sortie avec un enfant en pleurs et texter votre conjoint avec colère pour qu’il vienne vous rejoindre au plus sacrant. Il y a les moments où le p’tit vous crache en pleine face et que, finalement, vous l’enfermez dans sa chambre en câlissant le Naître et Grandir dans les vidanges, les mains qui shakent pis le ventre serré. Fac’ non, je m’excuse Gwyneth chérie et tous les autres bonnes âmes bienveillantes, it’s NOT all easy. C’est demandant, plein de surprises, bonnes ou mauvaises, et ça demande beaucoup d’effort, mais ce n’est pas « facile ». Certains se débrouilleront mieux que d’autres, mais personne ne l’aura « facile ».