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Mon corps et moi : une belle réconciliation
Crédit: Xava du/Flickr
L’autre jour à la télé, je suis tombée sur cette entrevue avec Sophie Grégoire-Trudeau. Elle dit à un moment donné qu’elle perçoit son corps comme un temple qui a porté et donné la vie à trois reprises. Ou quelque chose comme ça, je ne sais plus les mots exacts. Bref, la question n’est pas de savoir si on l’aime ou pas la Première dame, mais c’est juste que j’avais trouvé l’image vraiment belle. Ça m’avait fait du bien. Ça m’avait un peu réconcilié avec le mien, ce corps qui a  également porté et donné la vie à trois reprises.

Parce qu’on avait oublié de me le dire. Ce n’était écrit nulle part, aucun avertissement, rien. Quand nous devenons mère, notre corps devient une propriété publique, un espace commun, un droit acquis. Un véhicule, une machine distributrice, un coussin, une couverture, une forteresse… un temple.

Les premiers signes se manifestent dès la grossesse : c’est la phase de la transformation.  Devenir deux dans un. Phénomène fascinant, qui peut parfois même être troublant (je me souviens m’être déjà sentie comme Ellen Ripley dans le film Alien lorsqu’un truc tente de lui sortir du ventre).  

Ellen Ripley Alien
La vraie scène avec l»Alien qui lui sort du ventre est, disons, un peu troublante. Je crois que la mettre ici aurait été de mauvais goût. Vous pouvez toujours la googler si vous êtes curieux. Ha!
Crédit: Alien/Giphy
 
Je pense aux mains baladeuses, parfois connues, d’autres fois non, parfois froides, d’autres fois sèches, qui vous touchent le ventre, sans prévenir, par dessus ou même sous votre chandail. D’autres, plus polies, demandent la permission.

J’ai aussi cette image en tête : mes deux filles sont couchées sur moi, parlent au bébé qui s’en vient bientôt, le (me) flattent le ventre. « Leur bébé », comme elles disaient. Mon corps, c’était notre corps, un corps familial.  

Après cette grossesse, il y a les dommages collatéraux. Je vous épargne les miens. Je sais juste que lorsque je voyais mon reflet quelque part, en passant devant une vitrine, j’étais toujours surprise de mon image. Ce corps, qui était le mien, était si… différent d’avant. Pas le même que dans mon esprit. Comme s’il ne m’appartenait plus. Est-ce qu’on ressent la même chose lorsqu’on vieillit aussi?

Et tout le reste. Les petits pieds froids l’hiver, les mains sales et collantes qui me flattent le visage, les coudes pointus qui s’appuient dans mes reins sans prévenir, les ongles qui m’égratignent pendant la berceuse. On me pince, on me mord parfois. On m’escalade. Il fait trop chaud l’été. J’ai mal dans le dos. Pourquoi j’ai des bleus partout depuis que j’ai des enfants? 

Parfois j’ai envie de hurler : « Lâchez-moi! Laissez-moi reprendre possession de mon corps! » Dans ces moments-là, j’ai besoin d’aller prendre une marche, de l’air, de quoi, mais toute seule, avec mon « moi-même ». Et de mettre mes plus grosses boucles d’oreilles sans que personne ne me les arrache. 

Et rapidement, ça me frappe. Ce sentiment de manque. Comme un delirium tremens maternel. Il faut que je les voie, que je les respire, que je les prenne dans mes bras, mes enfants. 

Que je les protège aussi, devant les monstres imaginaires et les petits dangers du quotidien. Que je les réconforte lorsque le tonnerre frappe trop fort pendant l’orage. Que je les guide dans la vie. Que j’entende leurs prières. Je suis leur forteresse. Je suis un temple.

Finalement, mon corps ne m’appartient plus depuis que je suis une mère. Mais même si parfois ce n’est pas facile à gérer, c’est peut-être la plus belle chose qui ne me soit jamais arrivée!

Comment percevez-vous votre corps depuis la naissance de vos enfants?
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