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Ce que la mort d’un embryon de 0,2 cm change
Crédit: Masha Raymers Pexels

J’ai vécu un rêve éveillé pendant sept jours. Je me suis pincée pour y croire. J’ai renfermé dans mon ventre un bébé conçu par nous, par moi (un genre de DIY) sans l’aide de la science. En l’écrivant, je tremble tant la grossesse que j’ai vécue me semble effarante. 

Le miracle s’est produit un mercredi où je planchais sur un projet d’autofiction racontant mon parcours en infertilité. Je décrivais les injections, les high et les drop d’émotions qui s’en suivent, puis les ecchymoses, petites mouches bleutées sur mon ventre. Après quoi, le prodige (enfin) de la morula qui devient blastocyste et s’implante. C’était inouï de revivre par l’écriture cette transformation.

Or, je me suis mise à douter. Et si le tour de magie m’était possible! J’ai rapidement calculé. J’étais en retard d’une semaine sur mes règles (depuis presque 6 mois, depuis que le bébé Laure a deux ans, je ne fais plus d’aménorrhée). Le risque d’être enceinte existait.
 

Le jour où nous pensions être quatre.
Crédit : Anne Genest

 

Je suis allée en pharmacie. J’ai regardé dans les yeux la caissière. J’étais fière de tenir entre mes doigts un test de grossesse. Une fois chez moi, j’ai lu les caractères microscopiques expliquant le fonctionnement du bâtonnet prophétique. Puis, j’ai fait pipi. Ça ruisselait partout tant je m’étais retenue. Sur l’écran un message clignotait. J’étais enceinte d’une à deux semaines! Ha!

Je me suis mise à évaluer tout ce que j’ingurgitais. J’ai acheté des multivitamines prénatales. Je me suis couchée tôt. J’ai essayé de préparer dans mon ventre un nid.

Puis, bammmmmm! Quelques nuits plus tard, j’ai senti quelque chose s’agiter à l’intérieur. Un processus de construction (ou de démolition) était en cours.

À l’aurore, la réalité était là, dans la cuvette de la toilette; des morceaux de mon utérus et du bébé formaient un dépôt. Jamais encore je n’avais vu une grossesse se défaire de manière aussi dégueulasse.

Pendant trois jours, j’ai regardé le bébé que je retenais et l’endomètre qui le protégeait se découdre et tomber en morceaux. J’ai flushé des lambeaux de vie.

Dans quelques jours, j’irai subir un curetage. On vidangera les restes de mon rêve. Le gynécologue qui sortira l’embryon brisé pourrait être celui qui a mis au monde ma Laure inespérée.

Je ne sais pas pourquoi, je me sens coupable. Je pense au café bu quand je ne savais pas que j’étais enceinte. Et à l’alcool. Et à la course. Et à la radiographie subie avec Laure sans être protégée parce que nous pensions qu’elle faisait une pneumonie. Et à mon utérus qui fait tomber les bébés au lieu de les retenir. Peut-être que c’est de ma faute, oui. J’ai bientôt 40 ans et il est trop tard pour avoir des enfants.

Je ne sais pas ce que mon corps souhaite mais la perte de 0,2 cm d’existence est lourde à porter.
Comment fait-on pour vouloir de nouveau un bébé après avoir vécu une fausse couche?

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