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Quand deux hommes adoptent au Québec – Partie 2
Crédit: AndrésNietoPorras/Flickr

Partie 1 ici.

L’appel était enfin arrivé. Nous allions avoir bébé. C’était le temps de capoter. J’ai appelé les gens un à un pour annoncer la bonne nouvelle. Les parents, ensuite la sœur, les amis, le comptable, tout le monde y est passé. On a célébré! On a crié de joie au téléphone! On a braillé un autre shot avec peu d’élégance! Ça se tire les cheveux, ça saigne du nez tellement c’est heureux, ces gens-là! C’était l’apocalypse du bonheur!
 
C’était bien beau les belles émotions, les pleurs et les « félicitations », mais il fallait passer aux choses sérieuses : le magasinage. Oui, car après quelques courts mois d’attente, il y allait avoir un p’tit bébé, un vrai de vrai, pour venir compléter la douce nurserie aux couleurs tendance (ben oui, que veux-tu, Papa pis Dada sont gays, donc la décoration de la chambre était fabulous). Pas une minute à perdre, aweille au magasin! Biberons, couches, lingettes, canards en plastique, tire-morve, lait en poudre, savon à l’avoine, crème à la lavande, une livre de beurre, de la cassonade et un peu de muscade, il fallait tout acheter!

Quatre jours après avoir annoncé la grande nouvelle, nous étions le matin du jour P (Petit Pou), dans la voiture avec un stress si intense que je me suis demandé si mes sphincters allaient tenir le coup. Alors que je me tortillais sur mon siège comme un enfant qui arrive à Walt Disney World, mon chum était l’image même du stoïcisme et de la sécurité. Lui, il gardait ça en dedans. Il conduisait avec une main virile sur le volant et l’autre sur ma cuisse, pour calmer la frénésie hystérique qui voulait me sortir par le nez. Zaz et sa chanson On Ira jouait dans la voiture et cette chanson est à jamais associée à ce moment précis. Nous nous sommes arrêtés devant la maison et juste là, à l’intérieur, se trouvait NOTRE bébé. Je n’avais aucune idée de quoi il avait l’air, c’était le plus intense blind date, car cette date-là allait rester avec moi toute ma vie et je ne pourrais pas le ditcher en prétextant aller à la salle de bain pour ensuite courir accroupi vers la porte. Nous sommes finalement sortis dehors et avons marché vers la porte.

J’aimerais vous dire que lorsque la porte s’est ouverte et que la dame qui s’occupait du p’tit nous l’a présenté, je suis tombé en amour sur-le-champ, les clairons sonnant derrière et les colombes de l’espoir s’envolant pour former un gros cœur dans le ciel, mais non. C’était un peu banal et absurde à la fois. C’était un bébé bien normal, mignon, avec de grands yeux, blotti dans les bras d’une madame que je ne connaissais pas. Ce petit que je venais tout juste de rencontrer allait être, dans quelques instants, mon enfant. Nous sommes rentrés et nous avons jasé autour de la table de la cuisine, tout bonnement, avec un café dans une main et le malaise palpable dans l’autre. Après un moment, la madame demande si je veux prendre le p’tit. Duh! Et boum, ce fut assez rapide, un instant pis ma vie avait basculé, ma vie avait changé. Elle était là. Juste là, cette mystérieuse et mystique connexion qui existe entre un parent et son bébé, quelque chose que personne ne peut expliquer clairement, quelque chose qui est ben secret, juste entre vous deux. Ça part pis ça reste. Ensuite, tout a été très vite. L’intervenante est arrivée, on nous a donné quelques biberons, un sac avec des vêtements puis le bébé, car il ne fallait pas l’oublier et nous étions prêts à partir. Pas de signature, pas de décorum. Tiens, prend ton p’tit, il est à toé.

Nous avons placé le p’tit dans son brand new Peg Perego noir laqué et nous sommes partis, les étoiles dans les yeux. Petit Pou a dormi tout le long alors qu’il se faisait prendre en photos une bonne douzaine de fois, plus quatre cents autres photos juste pour être certain de l’avoir sous tous les angles. Une fois à la maison, tout a changé. Pas de stress, pas de trouble, juste une famille. J’ai installé le p’tit sur mes genoux et le bébé m’a fait un giga sourire, ce genre de sourire qui se fait juste pour un parent et, malgré le fait que ce soit cul-cul et cliché, j’ai compris brusquement que mon p’tit m’avait reconnu. On s’connaissait pas encore, mais j’ai senti qu’il comprenait: « Ah, je le sais où j’suis. J’suis dans ma famille. Toi t’es mon Dada ». J’ai eu le cœur prêt à exploser de bonheur. Une belle grande lumière, une belle grande chaleur. J’ai ri moi aussi et les larmes ont coulé sur mes joues. Ce p’tit là était bel et bien le mien, juste à moi. Pour toujours.

 

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