Je les regardais avec envie avant même d’être enceinte. Deux ou trois filles promenant leurs petits, parlant de tout et de rien, pique-niquant entourées de poussettes. Mieux encore (ou pire?) : attablées sur une terrasse, sirotant une bière pendant la sieste.
Quand j’ai appris que j’étais enceinte, j’étais donc doublement contente. Non seulement j’allais avoir un enfant, mais en plus, j’allais me faire de nouvelles amies! Pas que je n’ai pas d’amis… Seulement, les miens sont loin, éparpillés aux quatre vents. Leurs enfants sont déjà grands, ou en gestation… J’ai du soutien, certes, mais ce dont je rêvais vraiment, c’était d’une jumelle de bedaine, compagne et complice des infortunes.
Faut dire que j’étais encouragée dans mon délire. Sites, blogues, revues… Même les professionnels de la santé vantent les mérites des activités pré et post natales sur le réseau social. On m’avait promis le Klondike amical. Naïve et du type assez liante, je m’y voyais déjà. Textant des mots d’encouragement à l’approche du grand jour. Donnant rendez-vous au parc. J’entendais presque les oiseaux chanter.
Premier crash dans le mur de la réalité : l’aquaforme.
Comment quinze femmes plus bedonnantes les unes que les autres arrivent-elles à demeurer totalement silencieuses dans un vestiaire de piscine? Mes tentatives d’œillades complices et amorces de discussion sous la douche n’ont pas fonctionné.
Ça passe vite, une grossesse. J’ai donc fait mon deuil de mon amie de bedaine. Qu’à cela ne tienne, je pensais me reprendre quand la petite bête serait sortie. Tout le monde se fait des amies pendant son congé de maternité. #BrokenPromises
Deuxième crash dans le mur de la réalité : la halte d’allaitement.
Encouragée par l’infirmière du CLSC à m’y présenter « pour faire de belles rencontres avec d’autres mamans du quartier », j’y ai connu mon premier choc avec l’univers de la maternité. Mon accouchement hors norme, mon histoire d’allaitement trop facile ont fait de moi un genre de femme pestiférée. Mon apparente nonchalance mammaire a tué dans l’œuf toute tentative de sororité.
J’ai donc continué à chercher l’âme sœur dans le labyrinthe complexe et parfois aride des activités mamans-poupons. Bébé-nageur, éveil musical, atelier de nutrition, cours de secourisme… name it. Si ces activités nous offraient, à mon fils et à moi, un moment de détente, les relations avec mes consœurs demeuraient cordiales, sans plus. Pas de coup de cœur, pas d’affinités électives.
Un an plus tard, je suis fourbue et résignée. Au parc, j’évite du regard tous les pique-niques débordants de poussettes. Je me dis qu’elles ont eu de la chance de s’être trouvées, ces mamans.
Je soupire en voyant mon garçon si sociable jouer tout seul dans le carré de sable. Alors, je lui fais cette promesse : « T’inquiète pas, nous aussi, un jour, on l’aura notre play date. »