Assise sur le bord des toilettes, mon regard passe du petit bout de plastique blanc orné de deux lignes roses à ma cocotte d’à peine 3 mois qui gigote allègrement dans son bain. Non. Je ne veux pas. Ça ne se peut pas. Mon bébé, il est dans le bain, pas dans mon ventre… Pourtant, ce test ne faisait que confirmer ce que je savais déjà. Après deux bébés en pleine santé et deux fausses-couches, je commence à connaître mon corps. Mais ce soir-là, j’aurais mieux aimé ne pas savoir.
Dans ma tête et dans mon cœur, ma famille est finie. On a toujours voulu deux enfants. On a la chance d’avoir un garçon et une fille. Ça a pris quatre grossesses pour en arriver là. Je n’ai aucune envie de recommencer, de revivre tous ces doutes, ce stress, malgré le fait que ce soit merveilleux d’être enceinte.
La semaine dernière, on parlait de vasectomie. Je ne peux pas garder ce bébé, c’est une évidence pour moi. Et je sais que ça le sera aussi pour mon homme.
Pourtant, malgré tout, je n’arrive pas à avaler et mon cœur se tord à l’idée de ce qui m’attend. Je repousse les images qui affluent. Non, je ne calculerai pas ma DPA. Je ne veux pas savoir. Assise sur le bord des toilettes, je regarde le test en espérant m’être trompée. Non. La ligne est toujours là.
Je suis triste et j’ai honte. Je pense à tous ces couples qui ont tant de misère à avoir des enfants. Je pense à ma meilleure amie, qui voudrait tant être maman et dont le ventre reste vide. Et puis je pense à ma famille. Ma famille à moi. Mon chum, mon fils, ma fille. Nous quatre. Mon équilibre. Et je me dis que cette décision n’est pas seulement pour moi, mais aussi pour eux.
Dans quelques semaines, ma fille aura un an. Souvent, je pense à ce petit être que j’ai envoyé rejoindre ses deux autres frères ou sœurs sur leur nuage. Ai-je le droit de faire le deuil de cette grossesse que j’ai moi-même choisi d’interrompre ? Je ne sais pas. Mais je sais que ce bébé qui ne sera jamais fera toujours partie de mon histoire. Et que j’aurai toujours une pensée pour lui quand ma fille prend son bain…
Je t’aime quand même, poussière d’étoile. Pardonne-moi.