Dernièrement, Lucila Guerrero, une femme autiste militante pour l’acceptation de la neurodiversité, attirait mon attention sur le commentaire d’une dame qui affirmait qu’en autisme, le plus important serait de pousser la recherche dans le but connaître la ou les causes. Pourquoi? Afin que l’autisme soit détecté tôt dans la grossesse pour pouvoir l’interrompre en cas de résultat positif. Elle était blessée et je comprenais tout à fait!
Vu de l’extérieur, ça peut sembler logique. Au même titre que l’on passe presque systématiquement le test pour connaitre les risques de trisomie 21 chez le fœtus. Par contre, pour une personne autiste fonctionnelle, elle-même mère, c’est blessant de lire qu’automatiquement, la vie n’aurait pas dû lui être donnée.
Je comprends également le raisonnement extérieur. Je ne m’en suis jamais cachée, si à 26 ans, on m’avait annoncé que j’aurais un enfant autiste, TDAH avec une maladie génétique, j’aurais reviré de bord. J’aurais pratiqué l’abstinence jusqu’à la fin de ma vie. Je n’étais pas du tout préparée à avoir un enfant handicapé.
J’avais une idée très rose de la maternité et de ce qui s’en suivait.
Quand la douillette de la couchette que tu t’achètes est tellement cute qu’elle doit être lavée à délicat, c’est que tu n’as vraiment pas compris dans quoi tu t’embarques. J’aurais aimé me dire que ce n’est pas une poupée que tu attends la grande, c’est un bébé qui régurgite et qui fait caca. Le blanc cassé, c’est une idée de mère de premier bébé. Par contre, la soie et la suédine, c’est une lubie de maman qui vit quelque part entre le pays des Câlinours et celui des princesses.
Vous voyez le genre? Maintenant, imaginez que vous apprenez à cette maman qu’elle va accoucher d’une petite fille qui va exiger d’elle qu’elle quitte son emploi qu’elle adore, pour s’en occuper à temps plein. Qu’elle ne fera pas ses nuits avant 5 ans. Non, pas 5 mois. 5 ANS! Elle ne sera pas propre avant ça non plus. Elle sera même une artiste passionnée des œuvres 100 % naturelles. Traduction : elle mettra de la marde partout dans sa chambre pendant 4 ans. 4 ANS! Elle ne parlera pas non plus. Elle va hurler à merveille par exemple. Elle ne répondra pas à son nom et aura une drôle de notion du danger. En fait, elle ne l’aura pas pantoute cette notion-là. Elle aura un aimant qui l’attirera vers la rue, vers tout ce qui est chaud ou tout ce qui peut lui crever un œil!
Je me remets dans ma tête de fille de 26 ans et je passe-tu mon tour rien qu’un peu! Et pas juste moi, le père court se fait vasectomiser dret là.
Qui voudrait vivre ça? Décrit comme ça, personne. Par contre, ma fille, je la connais et je l’aime. J’ai vécu tout ça avec elle, mais je suis aussi tellement fière de ses efforts pour communiquer avec nous alors que ce n’est pas naturel pour elle. Je l’aime tellement pour sa façon de percevoir les choses et de me ramener dans la simplicité.
Ariane, c’est l’enfant qui m’a fait découvrir une vie que je ne voyais pas filer parce que j’étais trop occupée à la prendre pour acquise. Bien sûr, ma fille n’a pas de déficience intellectuelle, elle parle et même si elle demande de l’adaptation, elle n’est pas ce que l’on appelle un autiste sévère. Est-ce que je penserais différemment si c’était le cas? Peut-être. Je ne le sais pas. Je ne le vis pas.
Par contre, si un test pour détecter l’autisme avait existé en 2009, ce dernier ne m’aurait pas révélé le degré d’autisme de ma fille. Il m’aurait simplement dit que j’avais des chances d’avoir un enfant autiste. Me connaissant, j’aurais paniqué, vu ça pire que pire et elle ne serait jamais venue au monde. Je serais passé à côté d’une petite fille qui me pousse constamment à me réinventer, à m’adapter et qui a fait de moi une meilleure personne qui voit réellement au-delà de ce qui doit être, au nom de la neurodiversité.