Un sentiment d’incompétence parentale ou la petite histoire de trois points de suture
Christine Porlier Je les attendais. Je savais que ça allait arriver tôt ou tard avec l’attitude téméraire de mon fils. Ça a eu lieu un mardi matin à 6 h 45. Un grand cri et l’arrivée de mon petit bonhomme, le bras un peu ouvert. Pas trop de sang non. Juste un peu de gras (!!?) visible par l’ouverture. Ça aura pris trois beaux petits points de suture pour la refermer, et ça m’aura fait vivre beaucoup d’émotions.
Avec trois enfants et chacun une job à temps plein, nous devons gérer les imprévus comme tout le reste : rapidement et avec un certain lâcher-prise. Je pouvais me libérer plus facilement du travail ce matin-là, c’est donc sur moi que la responsabilité de faire réparer le bras est tombée. Mon chum est parti reconduire les filles où chacune devait aller.
Mais on va se le dire, si on avait sélectionné le parent selon sa capacité à faire face à la situation, c’est pas moi qu’on aurait choisie.
7 h, j’ai sauté dans la voiture sans café, sans avoir déjeuné. Sûrement la plus grosse erreur de toute l’aventure. J’ai commencé à avoir mal au cœur dans la salle d’attente à l’urgence. Mon fils, stimulé par tout ce nouvel environnement, était en pleine possession de ses moyens, lui. Le sentiment d’incompétence parentale commence à se faire sentir.
Autour de 10 h, pendant qu’on voyait une première infirmière, j’ai demandé qu’on m’apporte un verre de jus. Je me suis ramassé la tête entre les jambes pendant qu’on défaisait le pansement de fortune que mon chum avait courageusement fait plus tôt le matin. Deux infirmières pour moi, une pour mon fils. Le sentiment d’incompétence parentale commence à prendre pas mal de place.
Vers 10 h 30, le médecin est arrivée pour exécuter la manœuvre que je redoutais : les points de suture. Mon cœur qui bat un peu plus vite fait augmenter mon sentiment d’incompétence parentale. Comme elle m’avait vue plus tôt la tête entre les jambes, le médecin m’a demandé de sortir de la pièce. Seule, elle ne pouvait pas gérer les points plus mon évanouissement potentiel.
Le sentiment d’incompétence parentale explose.
Je suis allée me placer sur le bord de la porte, histoire d’entendre si jamais mon fils me réclamait, ce qui n’arrivera bien sûr pas, et pour pleurer un peu aussi, je l’avoue.
Le sang-froid de mon fils m’a impressionnée. Je l’entendais jaser : « Qu’est-ce que tu fais ? Pourquoi il y a du sang sur ton gant ? » Comme si de rien n’était. Moi, je tremblais de l’autre côté de la porte.
Je suis revenue à mon état physique normal en fin d’après-midi.
J’en ai parlé pendant une bonne semaine à chaque pauvre personne qui croisait mon chemin.
Plusieurs amis m’ont rassurée. C’est normal. C’est pas pareil quand c’est notre enfant. Il faut prendre conscience de nos limites. Ouais, c’est ça. Merci.
Ça a l’air, aussi, que quand on est dans une situation d’urgence et qu’il n’y a que nous pour intervenir, on le fait. Correctement. On va pas nécessairement se cacher pour faiblir (vomir, pleurer, perdre conscience).
Je me le souhaite. C’est sûrement pas la dernière fois que je vais devoir gérer ça.
Racontez-moi des anecdotes pas trop humiliantes où vous vous êtes sentis pas bons. Ça me ferait du bien.