Vivre avec la dépression, c’est quelque chose qui me fait énormément peur. Pas que j’ai peur des préjugés ou de passer le reste de mes jours à broyer du noir, mais j’ai peur de faire du mal à ma famille. Qu’en vivant avec ma maladie mentale, je les essouffle, les écrase. Que mes enfants grandissent en se disant « ma mère est folle » et que mon conjoint ait besoin de me lâcher afin de pouvoir lui aussi respirer. Pas que je lui en voudrais, loin de là, mais j’ai simplement peur de tout briser. Je préfère savoir que je me fais du mal à moi plutôt que de leur faire du mal à eux, mais ce n’est pas si simple. La dépression d’un parent, ça a des répercussions sur son entourage.
J’essaie tant bien que mal de continuer la vie comme à la normale. Je m’arrange autant que possible pour que cela n’affecte pas ma vie à l’extérieur de la maison. Cependant, une fois rentrée, le masque tombe et ce sont ceux que je chéris le plus qui sont affectés. Même avec les enfants, je fais attention pour ne pas que ça paraisse trop. Par contre, l’énergie n’est pas toujours au rendez-vous et mes émotions ont le contrôle sur moi. Ma patience est portée disparue. Ils ont bien remarqué que maman n’est plus comme elle était.
Un soir, alors que je déclarais forfait sur le divan, mon absence de patience a eu raison de moi. J’ai crié après eux sans raison. Sous le regard effaré de mon aîné, je me suis alors mise à pleurer de manière incontrôlable. Mon conjoint m’a alors suggéré d’aller me reposer, expliquant aux enfants que maman était fatiguée. Je me suis excusée, avant de me rendre péniblement jusqu’à mon lit, semant derrière moi un chemin de larmes. Je m’en voulais. À propos de ces longs mois de dépression. De cette humeur massacrante. Cette honte de ne plus être la mère que je voudrais être pour mes enfants.
Une fois réfugiée sous mes couvertures, mes jeunes visiteurs n’ont pas tardé. Alors que je m’attendais à des questions sur le pourquoi de mes larmes, j’ai plutôt eu une dose immense d’amour. Le premier m’a prêté sa doudou ainsi que son toutou préféré, afin de lui faire des câlins, alors que la plus jeune a grimpé sur le lit pour me flatter les cheveux, murmurant des « é t’ème » dans mon oreille.
J’ai eu peur que la dépression ne nous apporte que du mal. Cependant, si cela peut avoir aidé mes enfants à démontrer autant de compassion et d’amour, je me dis que malgré tout, ça aura laissé entrer un peu de lumière.
Votre famille a-t-elle déjà vécu la dépression d’un de ses membres?