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Une banale histoire d’intimidation
Crédit: janeb13/Pixabay

Au secondaire, j’ai été victime d’intimidation. Pas la grosse affaire là, non, non. De l’intimidation ordinaire et presque discrète. On ricanait dans mon dos. On me lançait des remarques méchantes de temps à autre. J’étais dans les dernières choisies pour les activités en équipe. Ce genre de chose, quoi. À l’époque, ce n’était pas très à la mode comme sujet, je ne pense pas que quelqu’un a remarqué quelque chose pendant ces 5 années. J’ai été une victime anonyme d’intimidation, comme il y a en tant.
 
Je n’avais pas les bonnes marques de vêtement ni le bon style. Je n’avais pas de chum. J’avais une coupe de cheveux douteuse. Je n’étais pas une sportive ni une populaire. J’avais une personnalité intense que je devais constamment réprimer parce que ça gossait le monde. J’avais l’impression de parler trop fort alors que, n’étant personne, je devais me la fermer.
 
Je me rappelle une fois, dans un cours d’éducation physique en secondaire 3, une Mélanie a bêlé comme un mouton en me regardant. J’avais du poil sur les jambes et les rires ont retenti dans mes oreilles. C’est con comme je me souviens avec précision de ce moment, du sentiment de honte. Elle portait un t-shirt blanc lors de ce moment et c’était dans la période badminton de l’année. Nous avions fait notre primaire ensemble, avions joué ensemble étant plus jeunes et soudainement, sans que je comprenne pourquoi, sans coup de semonce, elle est devenue quelqu’un de qui j’avais peur. Peur de la croiser dans les couloirs, peur de la regarder, peur d’attirer son attention.
 
Je n’ai jamais parlé de tout ça à personne. Personne ne s’en est aperçu je crois. Mes notes n’ont pas chuté, je continuais de manger selon mes habitudes et j’avais quelques amies auprès de qui je m’efforçais d’être quelqu’un d’autre. Être moi-même ne fonctionnait pas alors forcément, je devais être quelqu’un d’autre. J’avais et j’ai toujours honte d’avoir été ça. D’avoir vécu ça. Je l’ai toujours caché à mes parents et encore aujourd’hui, je garde ça secret. Ce n’est pas pour rien que j’écris ce texte de façon anonyme.
 
Ça m’a pris des années avant de laisser celle que je suis exister, de me permettre d’être moi-même pis, fuck tous ceux à qui ça ne plaît pas. Je ne vous dis même pas le douloureux travail que j’ai dû faire pour y arriver. Ceux qui m’ont connue à l’époque vous diraient que je suis aujourd’hui quelqu’un de diamétralement différente. C’est incontestable, ce n’est que depuis quelques années que je suis réellement moi. Ces personnes ne se doutent pas de ma peine, de ma tristesse et de ma douleur à cette époque.
 
Récemment, une chum de fille m’a dit qu’elle était une intimidatrice au secondaire. Selon ma perception, elle semblait presque fière, soulagée d’avoir été intimidatrice et non intimidée. Elle ne connaît pas mon passé et je n’ai rien dit. Ça me fait chier qu’il semble plus valorisé socialement de donner des coups plutôt que d’en recevoir. Faire mal aux autres, c’est un signe de force. Avoir mal est un signe de faiblesse. Les mentalités évoluent, se veulent progressistes mais, dans notre animalité, ça reste plus facile si tu es fort que si tu es faible.
 
Si vous me reconnaissez dans ce texte, s’il vous plaît, ne le dites pas à mes parents. Malgré ma trentaine d’années, je ne suis toujours pas capable d’assumer devant eux que la fille dont ils ont toujours été si fiers et qui a toujours tout réussi en apparence a passé 5 années à souffrir en silence. J’ai peur de leur faire de la peine. 

Avez-vous vécu de l’intimidation?

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