Être enceinte en allant à l’université, ça veut dire quoi?
Ça veut dire avoir l’impression d’avoir décroché un rôle dans Degrassi Nouvelle génération, et ce, même si nous sommes aux études supérieures. Je crois que les gens ne sont tout simplement pas habitués de croiser une fille enceinte dans les couloirs d’un établissement scolaire, car ils affichent un regard surpris chaque fois qu’ils croisent mon ventre. Je ne ressens aucun jugement de leur part, soit dit en passant. Je ressens simplement leur étonnement et ça me fait toujours sourire.
Ça veut aussi dire délaisser les fameuses fêtes de début et de fin de session, de même que les 5 à 7 organisés par l’association étudiante. Pas parce que l’énergie n’est pas au rendez-vous, juste parce que regarder les gens enfiler les bières pendant qu’on enfile les verres d’eau, c’est plate. Même chose pour les initiations. J’espère que la bière sera 2 $ l’année prochaine aussi.
Étrangement, ça signifie aussi être plus organisée et être en avance pour vrai. Adieu le temps où je faisais mes travaux et mes lectures la veille! Adieu le temps où ma motivation légendaire ne durait que les deux premières semaines! Comme nous ne pouvons jamais prévoir avec exactitude quand le travail s’enclenchera, mieux vaut prévenir. Ainsi, j’ai pris l’habitude d’effectuer mes travaux deux semaines à l’avance, minimum. J’ai même fait l’effort de mettre ma timidité de côté pour faire un exposé oral afin de m’éviter un examen final. Facebook n’est plus mon meilleur ami et c’est vraiment bénéfique.
De plus, il n’y a pas que l’aspect scolaire de ma vie qui est dorénavant mieux structuré. Je dirais qu’ils le sont tous! Je me lève plus tôt, je vais m’entraîner, je vais à mon (ou mes) cours, je reviens, fais des lectures et des devoirs, puis le souper. Je peux ainsi me permettre de passer la soirée avec mon copain. Ça semble essoufflant, mais je vous jure que je ne me suis jamais aussi bien sentie! J’imagine que c’est ce qu’on appelle se forger une routine. Je n’ai probablement jamais été aussi focalisée sur quelque chose.
Ça veut également dire être plus motivée, oui, oui! Je n’ai jamais autant envoyé de courriels à mes enseignants pour m’assurer d’avoir compris la matière. Je suis devenue la fatigante qui pose des questions. Avant, je ne prenais pas trop mes études au sérieux. En fait, ce ne sont pas mes études que je ne prenais pas au sérieux, c’était le temps que j’y resterais. Être à l’université deux ans, cinq ans ou dix ans ne me faisait pas un pli. Annuler un cours ne me dérangeait pas. Aujourd’hui, je veux avancer le plus rapidement possible, en ayant les meilleurs résultats. Je fais des exercices supplémentaires (ce que je n’ai jamais fait au courant des dernières années) et je demande de l’aide lorsque je ne comprends pas une notion (ce que je n’avais jamais fait non plus).
Conjuguer maternité et université signifie aussi faire des résumés à propos de Roland Barthes entre deux prises de sang pour le diabète gestationnel ou calmer des fausses contractions en lisant Madame Bovary. C’est sortir de la classe relativement souvent pour aller à la salle de bain et préparer des dîners avec mille et une collations, juste au cas où je ferais une baisse de sucre. C’est surtout envisager le retour en métro avec appréhension chaque jour et soupirer à l’avance de la foule qu’il y aura dans les wagons.
Autre chose qui a changé : je vais à tous mes cours, sans exception. Même quand je suis fatiguée, même quand j’ai mal au cœur, même quand ça ne me tente pas. Je ne quitte jamais à la pause. Encore une fois, comme on ne sait jamais réellement quand bébé va décider de se pointer, je veux m’assurer d’intégrer le plus de matière possible. Je me verrais bien mal demander à mes professeurs de m’accommoder si bébé arrive plus tôt que prévu si j’ai manqué la moitié des cours sans raison valable. (Je crois que je deviens mature et responsable.)
Ça signifie aussi ne plus étudier que pour moi. Ça veut dire avoir un but précis, avoir des objectifs. J’ai envie que mon fils ait une mère ayant complété les études qu’elle souhaitait effectuer. C’est devenu une urgence, un besoin. Même si je n’avais pas prévu les choses ainsi, être à l’université en étant enceinte est probablement l’une des meilleures choses qui me soient arrivées. Je veux tenir mon enfant dans un bras et mes diplômes dans l’autre. J’ai envie de regarder mon fils plus tard en me disant : Hey, j’ai réussi.
Avez-vous vécu une grossesse pendant que vous étiez aux études? Est-ce que vous l’avez vécu comme je le vis?