Au XIXe siècle, toutes sortes de technologies sont nées pour nourrir les bébés, dont celle des biberons à tubes, vraie nique à bactéries. Les bébés étaient plogués (puis infectés de toutes sortes de maux). Maintenant, ce sont nous, mères, qui le sommes, et presque en permanence rivées à nos bidules technologiques pendant que bébé mange.
Ma collègue Valérie a déjà avoué regretter un peu ces heures passées branchée sur son appareil plutôt que sur sa petite. Je la comprends (mea culpa) et j’ajoute à la réflexion. Car s’il y a une différence MAJEURE entre mes enfants qui ont 13 ans d’écart, c’est la technologie qui a envahi nos vies. Ça frappe.
Crédit: ZTélé / hercampus.com
Quand mon aîné est né, j’étais une jeune recherchiste plutôt branchée. J’avais un courriel, un cellulaire ET une pagette pour être rejointe lorsque j’étais hors de la maison. Wow! Cela dit, mes courriels ne se prenaient que devant mon ordinateur, mon cellulaire ne me servait qu’à parler au téléphone et ma pagette assurait seulement les avis. Il m’arrivait de placoter au téléphone en allaitant, de donner le sein à l’ordinateur (j’ai toujours été douée dans le multitask) et même, de marcher vers un téléphone pour rappeler un page.
Mais la nuit, je n’avais absolument rien d’autre à faire que de regarder mon petit téter. Et si lui ne dormait pas bien, je me souviens que moi, je dormais facilement, parfois même dans la chaise. Douces heures bleutées qui me restent en mémoire.
Quand ma cadette est arrivée 11 ans plus tard, j’étais alors retirée du marché du travail depuis peu et déjà un peu moins dernier cri en matière de technologie. Je possédais un Blackberry 9700 que j’adorais, sur lequel j’écrivais plus vite que mon ombre.
En m’asseyant dans la chaise, je m’assurais d’avoir mon bidule tout près pour y jeter un œil. Mon Blackberry était cependant très lent sur le téléchargement. Je pouvais consulter mes courriels et y répondre (bravo la productivité), mais sur mon fil Facebook, je ne pouvais rien télécharger. Je devais mémoriser : aller cliquer plus tard sur la page de tel ou tel magazine. J’en oubliais la moitié, il va sans dire (sain travail de mon cerveau de mère). La nuit, ne restait qu’à surfer un peu et mémoriser où retourner. Je pouvais ensuite baisser les yeux vers ma fille et la regarder me regarder.
Avec ma troisième est arrivé le machiavélique iPhone. J’ai même mis la recharge près de la chaise où je passais tant de temps. Youpi! À moi les fils de presse, les potins et les séries! Mais après quelque temps d’euphorie, j’ai découvert avec stupeur qu’il n’y avait plus de jour ni de nuit! Le monde est-il à ce point branché 24 h sur 24? Oui. Les nouvelles d’ici me distrayaient le jour et les nouvelles françaises alimentaient désormais mes heures nocturnes. J’ai réalisé aussi que j’avais du mal à me rendormir après avoir donné le sein, alors que ces merveilleuses hormones m’ont toujours complètement droguée.
Étrange. Après quelques nuits d’insomnie (ok, 2-3 mois), j’ai décidé de débrancher le bidule et d’installer la prise au rez-de-chaussée. Et je l’ai aussi banni de la chambre de bébé, comme il est banni de celle de ses parents le soir.
Me sont revenues les douces rêveries, les moments entre l’éveil et le sommeil : la conscience altérée de nourrir son petit à demi-endormie. Le soir, je n’y arrive pas toujours. Ce rythme lent me stresse parfois plus qu’il ne m’apaise les premières minutes, mais j’essaie vraiment de déconnecter.
J’ai du mal le jour, mais ma dernière se réveille encore 2 fois par nuit et cela me permet de lui détailler le lobe d’oreille. C’est le moment de gratter son petit crâne, d’étudier la nouvelle teinte de ses yeux changeants et d’observer sa petite main de plus en plus agile. C’est le soir et la nuit que j’écoute sa déglutition sucrée et que je me laisse totalement envahir par cette odeur folle qu’elle dégage exprès pour que je sois contente de la nourrir, d’une veillée à l’autre.
Remarquez l’infâme recharge de Iphone au coin inférieur gauche.
Ce n’est pas une question de sein ou de biberon. Ce n’est pas une question de bidule de telle ou telle marque. C’est une question de regard. Où se détournent mes yeux quand je la tiens dans mes bras? Qu’est-ce qui m’en dévie. Les robes de la princesse Kate? Les jumeaux de Charlene? Je suis parfois inquiète : comment grandira cette génération qui doit rivaliser avec des écrans pour obtenir mon attention?
Je peux le confirmer du haut de mon statut de « vieille mom », c’était plus facile de se recentrer dans le temps, oui. C’était plus facile de faire fi de l’extérieur et de jouir de notre condition de maman, du moins pour moi. Car nulle part au monde n’est d’endroit plus merveilleux où poser mes yeux que sur mon bébé d’amour que je nourris encore.
Pensez-vous que nos petits seront jaloux de nos bidules? Vous trouvez-vous parfois envahie par la technologie?