J’ai commencé ce texte autant de fois que je l’ai effacé, peut-être parce que tout ça est palpable ou peut-être que j’ai peur d’évoquer des mots trop concrets qui seront envoyés à l’univers et risqueraient de tout faire changer.
À l’aube de nos 5 ans d’amour, j’ai réalisé que mon conjoint et moi avions passé le pire. Nous sommes parents depuis presque quatre ans. Le quart de notre parentalité, nous l’avons passée à l’hôpital. L’autre quart en centre de réadaptation, et le reste du temps, nous l’avons réparti entre le deuil, l’acceptation et la vie, la vraie, celle en dehors des murs de l’hôpital.
J’aimerais dire qu’il y a eu une recette magique, que nous l’avons suivie à la lettre, mais non! J’ai le vertige quand je pense à tout ce que nous avons traversé ensemble, séparément et en famille. On a souffert, on a pleuré, tellement pleuré. On s’est aimés, même détestés. On s’est ignorés et retrouvés. On a eu peur de se perdre, de perdre le contrôle, mais surtout, de le perdre, lui.
Notre fils n’est pas seulement trisomique, il est dysphagique, asthmatique sévère, a des atteintes permanentes aux poumons, n’a pas de système immunitaire, il est hypotonique, dyspraxique, a de l’hypothyroïdie, fait de l’apnée du sommeil et a des reflux œsophagiens très sévères. Il est TDAH, souffre d’hypersensibilité auditive et d’anxiété de séparation. Nous voyagions entre cinq centres hospitaliers et deux centres de réadaptation. Je suis essoufflée juste à écrire tout ça, et pourtant, je ne parle pas des retards de développement.
Nous avons dû tout revoir : notre maison, notre voiture, notre cour. Tout est pensé pour sa sécurité. Pourtant, je réaffirme : nous avons passé le pire.
À chaque hospitalisation, on s’est rapprochés, encore et toujours plus que la fois précédente. La maladie aura beau nous ajouter des cernes, elle nous a quand même transformés. La peur nous maintient dans l’instant présent tous les jours, et nous sommes toujours plus conscients de notre chance d’être encore tous trois réunis.
Nous savons que, statistiquement, notre fils mourra avant nous. Pourtant, nous nous autorisons chaque jour à rêver au bonheur. Il y a quatre ans, on se sentait seuls. Maintenant, on est une équipe. Ses médecins, infirmières et thérapeutes sont devenus notre famille. Notre famille et nos amis sont devenus la recette de l’équilibre de notre santé mentale.
Je ne me rappelle plus le nombre de fois où j’ai appelé nos amis, les ai invités à venir prendre un verre, et ce malgré les 24-36 heures d’hospitalisation, simplement pour rire de tout et de rien, mais surtout pour se rappeler que la vie est belle.
Je n’ai plus honte de demander de l’aide, tout comme je n’ai plus honte d’envoyer mon fils à la garderie même les jours où je ne travaille pas. Je n’ai plus honte d’utiliser des centres de répit parce que, maintenant, je me fous de l’opinion des autres.
J’ai été mise à nue comme jamais dans mon rôle de maman d’enfant aux besoins particuliers. Je n’ai plus honte de dire que je ne suis pas forte, que l’amour a aussi ses limites et que parfois, je choisis mon couple au lieu de mon fils. Seule, je n’y arriverais pas, mais avec l’amoureux à mes côtés, je me sens invincible.
Certes, je connaîtrai des rechutes tout comme mon chum, car nous sommes HUMAINS. Je n’ai plus honte de le dire, car nous avons choisi le bonheur. Mon fils sera heureux tant et aussi longtemps que ses parents se rappelleront qu’avant d’assumer leur rôle, ils étaient deux personnes à part entière qui se sont faits la promesse de se rappeler pourquoi ils se sont choisis.
Avez-vous honte de demander de l’aide?