J’ai souvent cru qu’on ne me dirait jamais de façon explicite quoi faire avec mon corps. C’était avant de tomber enceinte.
« Wow! Ça ne paraît vraiment pas que tu es enceinte. T’es chanceuse! »
Chanceuse? J’affichais toujours une moue perplexe lorsque l’on associait « ça ne paraît pas » avec « t’es chanceuse! ». Je trouvais ça étrange, considérant que j’aurais aimé que ça paraisse dès le premier jour. À force de me faire répéter la même chose, associé à un « wow! », j’ai commencé à apprécier le fait que ça ne paraisse pas. Le hic, c’est que je ne l’appréciais pas pour les bonnes raisons. Je pensais simplement au poids de grossesse que je n’aurais pas à perdre en me donnant des high five imaginaires.
« Ouin, vous appris six livres en un mois. Mangez-vous bien? Mangez-vous trop? Vous êtes sûre que vous ne mangez pas trop de shortcakes aux fraises? Faites-vous de l’exercice? Vous allez devoir surveiller ça de très près. »
Euh? C’était maintenant dans le visage du médecin que j’avais envie de faire des high five. Il se prenait pour qui? C’était normal que je prenne du poids, rendu au cinquième mois. Mon bébé avait besoin d’espace pour se développer de façon optimale. C’était normal que ça commence à paraître. Heille!
« Je trouve que tu t’entraînes trop. Tu devrais prendre ça mollow. T’sais, moi, je ne bougeais presque pas durant ma grossesse afin de minimiser les risques. Ce serait dommage que tu aies un enfant prématuré… »
J’ai fait du sport toute ma vie. J’ai fait du ballet classique durant plus d’une décennie et je m’entraîne depuis que j’ai 16 ans. Mon corps est habitué à bouger; il doit bouger. C’est un besoin. Si les échographies et les tests sont bons, que j’ai l’accord de mon médecin (qui croit que je ne fais pas de sport, lol) et que j’ai de l’énergie, puis-je m’entraîner trois à quatre fois par semaine si ça me tente? Ça me fait du bien.
« Moi, j’étais super active durant ma grossesse. Je sais que tu t’entraînes, mais tu devrais aussi t’inscrire à des cours de yoga prénataux, à des cours d’aqua-forme prénataux, à des cours d’aérobie prénataux… J’ai tous les dépliants si tu veux. »
Merci, mais non merci.
« J’espère que tu te huiles le ventre! Moi, je mettais de l’huile d’amande douce. Ma mère aussi en a mis tout au long de sa grossesse, et le seul endroit où elle a eu des vergetures, c’est l’endroit où elle n’en a pas mis. Il y a de l’huile d’avocat aussi. Ou de la crème hydratante. Tu t’hydrates, j’espère? »
Je suis toujours fascinée par le droit que se donne subitement notre entourage lorsqu’il est question de parler de vergetures de grossesse. Si une de mes amies prenait du poids dans un contexte externe à la grossesse, jamais je ne lui dirais : « Ouin, j’espère que tu te badigeonnes chaque soir avec de l’huile, au moins! ». C’est comme si la grossesse autorisait les autres à nous parler de l’apparence de notre corps sans qu’on leur demande. Et de l’autre côté :
« Moi, je n’ai jamais mis d’huile. Je suis fière de mes vergetures. Je ne comprends pas les filles qui capotent avec ça. C’est la preuve que tu as porté la vie, que ton corps a été une maison pour un petit être. Je trouve que les filles sont ridicules de s’en faire avec ça. »
Peut-on avoir envie de ne pas avoir de vergetures sans passer pour une personne superficielle?
« Ohh, tu as un beau petit ventre. Laisse-moi le toucher. »
EUH? J’ai vraiment été choquée la première fois que le chum d’une de mes amies s’est – littéralement – mis la face dans mon ventre pour y toucher. Depuis quand pouvait-on caresser une partie de mon corps aussi intime que mon ventre sans me le demander? Ce n’est pas parce que nous sommes enceintes que c’est un open house. Tu dois demander la permission avant.
« Tu vas allaiter, j’espère. Moi, je ne comprends pas les femmes qui n’allaitent pas. C’est tellement une chose merveilleuse! C’est magique! Même si tu ne veux pas, je vais tout faire pour te convaincre. »
Soupir, soupir, soupir. Allaiter est un choix, ce n’est pas une obligation. Ce qui est magique pour toi ne l’est pas forcément pour moi ni pour ma voisine. À moins de vivre sous une roche, toutes les femmes sont au courant des bienfaits du lait maternel. À partir de ce moment, laissons-nous libres de choisir ce qui nous convient.
Nous répétons jour après jour que les femmes viennent en plusieurs exemplaires, qu’elles sont toutes uniques et différentes, qu’aucune n’est identique. Il serait important de s’en souvenir (surtout) lorsque la personne est enceinte. Il ne sert à rien de juger les autres selon son expérience personnelle, car ce qui est personnel est rarement général.
Avez-vous reçu des commentaires ou « conseils » du genre lors de votre/vos grossesse(s)? Comment réagissiez-vous?