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Perdre des amies suite à l’annonce d’une grossesse
Crédit: Elle Hughes/Pexels

Nous étions amies, avant. Avant que je t’apprenne que j’attendais une petite douceur. Tes yeux avaient changé et ton regard avait vacillé entre la défense et l’attaque en l’apprenant. Drôle de mélange très plate. Sur le coup, tu n’avais rien dit. Tu m’avais regardée avec une bouche pincée et je pouvais presque imaginer tes doigts se faire aller sur ton îlot de cuisine. T’sais, le signe universel qui démontre un agacement évident? Ben c’tait ça. C’tait presque ça.
 
J’attendais une réponse, mais elle ne venait pas. T’avais finalement dit quelque chose comme
« Wow, c’est cool. » J’me souviens plus trop. Faut croire que ton élan d’enthousiasme ne m’a pas marquée. T’avais soudainement l’air inconfortable (avec toi-même, mais surtout avec moi).
 
T’avais commencé à débiter des phrases comme « Bon ben va falloir que je me trouve de amies sans enfant pour faire des soirées maintenant, ha ha ha! », comme si nous étions des party animal qui sortaient dans les bars et les clubs plusieurs fois par semaine. Le fait est qu’en trois ans, nous avions dû faire trois party et ceux-ci s’étaient toujours déroulés chez toi parce que tu ne voulais jamais quitter ton nid. Nous n’avions jamais été ces filles saoules sur Saint-Laurent à trois heures du matin. Jamais. Mais tu semblais aimer croire que oui.
 
Je me suis dit que ça passerait. Que c’était peut-être un mécanisme de défense de ta part parce qu’aux dernières nouvelles, tu avais toujours voulu des enfants et tu n’en avais pas encore. Je me suis dit que c’était peut-être la surprise qui te faisait cet effet-là. Mais non. Plus ça allait, pire c’était.
 
Tu me regardais maintenant en me disant des choses telles que : « Ouin ben quand on analyse ça, c’est moi qui devrait avoir des enfants. Selon l’ordre des choses, je suis avec mon chum depuis plus longtemps que toi. C’est drôle. » Drôle? Et depuis quand y a-t-il un « ordre des choses » lorsqu’on parle de quelque chose d’aussi fondamental qu’un enfant?

Tu peux être dix ans avec la même personne sans avoir d’enfants comme tu peux être avec la même personne depuis dix mois et décider d’en avoir un. L’un n’est pas nécessairement garant de l’autre. Et justement, si t’es si bien que ça avec ton chum, pourquoi n’en avez-vous pas après tout ce temps? Ce n’est pas mon problème si vous n’êtes plus sûrs, si ton chum n’est plus sûr. Enfin.
 
Sont ensuite venus les : « De toute façon, je réalise que je ne veux pas d’enfants » (sortis d’on ne sait où) et les « Coudonc! Est-ce qu’il y a des points positifs à être enceinte? À écouter parler les autres, ça l’air l’enfer! » J’étais toujours un peu gênée lorsque tu me disais des choses comme celles-ci parce que je savais que ce n’était pas vrai. Pour une des premières fois de ma vie, mon bonheur attaquait quelqu’un et ce quelqu’un était, aux dernières nouvelles, ma meilleure amie. Au lieu d’être heureuse pour moi, elle se sentait diminuée.
 
J’ai réalisé à quel point il est facile d’être là pour quelqu’un lorsque cette personne a une vie tout sauf palpitante. Lorsqu’on peut booster son égo et sa réalité en la comparant à la sienne, qui semble tellement plate. Ça nous permet de nous réconforter et de nous dire que notre vie est donc bien belle et ce, même si elle ne l’est pas forcément. Par contre, lorsque l’autre déploie enfin ses ailes et s’envole, on peut avoir l’impression qu’elle nous fait de l’ombre. La voir s’élever nous donne l’impression de rapetisser.
 
On ne se parle presque plus, cette ancienne amie et moi. À vrai dire, on ne se parle plus du tout. C’est tellement étrange. Je ne peux pas dire que je suis triste, ce serait mentir. Par contre, je peux dire que je suis déçue.

Cette personne, à qui je parlais presque chaque jour, a cessé de me parler du jour au lendemain et ne m’a pour ainsi dire jamais demandé comment se déroulait ma grossesse. Les rapports sont rapidement devenus très froids. J’avais l’impression qu’ils étaient forcés. 

J’entends souvent des filles dire que leurs amies les ont délaissées depuis qu’elles ont un enfant. Cependant, on ne parle jamais de la situation inverse. On ne parle jamais de ces amies qui s’éloignent lentement mais sûrement, parce qu’elles se sentent agressées par la joie de leurs amies.

Avez-vous perdu des amies pour cette raison depuis que vous êtes enceinte ou avez des enfants?

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