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Grandir avec la violence – Qui ne dit mot consent, maman.
Crédit: Quinn Dombrowski/ Flickr

Longtemps je me suis demandé si ma vie aurait été pire sans toi. Tu me disais souvent que tu ramassais plus les coups et les insultes de mon père que moi. Je me disais que j’avais de la chance de t’avoir comme buffer sinon ma vie aurait été bien pire.

Je me souviens plus tard, quand j’étais adolescente, et que je te demandais de partir avec les autres enfants et moi. Tu n’étais plus heureuse et je ne pense pas que nous l’ayons jamais été, en famille. Nous vivions dans la peur. Tu trouvais toujours une excuse : les p’tits étaient trop petits, papa travaillait fort, au moins nous avions un toit sur la tête, etc.

Je me suis rendu compte que tu ne partirais jamais, alors je suis partie. Vous, papa et toi, m’avez aidé pour mieux me retenir, vous m’avez prêté des sous, un char, donné vos meubles pour être certains que même si je n’habitais plus sous votre toit, vous auriez encore une emprise sur moi.

Tu vois, ce n’est pas une erreur de style que de t’inclure dans le vous. Plus je vieillis, plus je me rends compte que ça n’a jamais été ton idée de quitter ce climat de violence au sein duquel mes frères et moi avons grandi. Tu es restée pour ton confort, tu es restée parce que tu avais peur et tu as fermé les yeux sur la violence qu’on subissait parce que tu étais bien.

Pourtant, les p’tits et moi n’avions pas les outils pour savoir que notre maison était une prison. Que ce n’était pas normal d’avoir tout le temps peur de ses parents et de n’avoir le droit de ne rien faire. Tu pouvais bien décider de rester si tu voulais, c’est ta vie après tout. Mais le fait que tu n’aies jamais levée la main sur nous ou que tu aies encaissé des sévices pour nous ne te donne aucune lettre de noblesse de plus que papa.

Tu n’as rien fait, tu n’as rien dit. Tu as consenti à me laisser me faire violenter, malgré les cris du cœur que je t’envoyais. Mes maux de ventre, mes crises de panique, mon désir de mourir. On a eu beau m’expliquer le cycle de la violence ou la complexité de vivre dans un tel climat et de s’en sortir, je suis restée aigrie. Aigrie de t’avoir suppliée tant de fois de partir et que finalement, tout se soit fini parce que papa est parti de son propre chef.

Encore aujourd’hui, tu ne vois pas la place que tu as eu dans ma souffrance et tu restes accrochée au fait que papa soit parti plutôt qu’au fait qu’il nous maltraitait. Ça me donne juste le goût de te crier après, te crier ma souffrance, mais je sais que ça ne sert à rien parce que tu vas me dire que je suis comme mon père.

Je suis grandie, je suis frustrée, je suis triste. Je me suis battue toute ma vie pour prendre ma place, prendre de la confiance, pour finalement me rendre compte que la personne qui devait me protéger tenait les clous de celui qui piochait sur mon cercueil.

J’ai une enfant maintenant et j’ai averti son père : touche une fois à ma fille et je te quitte. Je suis prête à vivre dans la misère plutôt que de savoir que ma fille aura à subir ce que j’ai vécu en partie à cause de ton silence à toi, maman.

Tu m’auras au moins appris que ce n’est pas le genre de vie que je veux faire vivre à ma fille.

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