Aller au contenu
Le plus violent, c’est mon père : comment se sortir du cycle de la violence quand on devient maman
Crédit: Neil Wilkie/ Flickr

L’avant-dernière fois où mon père a levé la main sur moi, je devais avoir 8 ans. Il y avait de la visite, j’étais dans le sous-sol à m’occuper des autres enfants plus jeunes quand il a crié mon nom. J’ai couru dans le salon, les deux mains tendues le plus loin possible de mon corps et les yeux fermés, et j’ai attendu le coup qui n’est jamais venu. Après l’incident, mon père a arrêté de me taper et il a commencé à être violent psychologiquement. 

Je ne me souviens plus du nombre de fois où j’ai dû expliquer comment j’avais été atteinte par le régime de terreur qui régnait dans la maison de mes parents. Je ne sais plus combien de personnes m’ont dit qu’ils avaient vécu ça eux aussi, qu’ils avaient reçu une ou deux tapes sur les fesses quand ils étaient jeunes et qu’ils avaient très bien vécu leur vie.

Mais je ne parle pas d’une ou deux tapes. Quand tu en reçois 10 ou 12 sur les fesses et que tu peines à t’asseoir en classe le lendemain, les petites tapes sur les fesses deviennent plus traumatisantes que ce que les gens pensent. Encore aujourd’hui, je me surprends à serrer mes foufounes quand je passe à côté de mon père.

Quand j’étais jeune, chaque jour, je devais marcher sur des oeufs du lever au coucher parce que je ne savais pas si mon père allait péter un plomb et me crier après pour une histoire de paire de bas pas dans le panier à linge sale. Chaque jour, je retenais mon souffle et mes mots parce que je ne savais pas si mon père allait me traiter de conne, de pas intelligente ou de salope just because que je ne faisais pas exactement ce qu’il voulait, de la façon qu’il l’entendait. 

J’essayais d’en parler autour de moi, mais le tout était vraiment tabou à cette époque (même encore aujourd’hui). On allait même me dire que je faisais mon enfant martyre ou que je rendais ça pire que c’était.

L’histoire du couteau et des chaudrons

Il était une fois une petite fille qui aimait aider dans la cuisine. Un jour, elle aidait ses parents à préparer le souper quand il lui est venu comme idée de manger un bout d’une carotte qui venait d’être coupée. Son papa n’était pas content alors pour exprimer sa colère, il planta le couteau à côté de sa petite main d’enfant. Pour lui apprendre qu’on ne fait pas ça. 

Évidemment, elle raconta la frousse de sa vie à ses amies le lendemain à l’école. Quand elle eût fini, la petite s’est retrouvée à devoir justifier sa peur et surtout le fait qu’elle avait voulu contourner la règle de ne pas manger ce qu’on est en train de préparer à ses amies qui avaient pris le bord de son père. 

Quelques semaines plus tard, encore dans la cuisine, son père se tapa la tête sur de la vaisselle mal rangée. Au lieu de sacrer et prendre le temps de dépomper, il lança tout simplement le chaudron sur le mur en criant à la petite fille que dorénavant, il n’y aurait plus de place à l’excuse pour ce genre de « mauvais comportement » de la part de sa fille. 

Le lundi à l’école, la petite fille n’en parla pas à ses amies. 

Fin. 

Devenir parent après un régime de terreur 

Devenir adulte a été difficile pour moi. J’ai souvent répondu violemment à toute « attaque » de la part de mes amis. Je me suis battue avec ma soeur. J’ai pris une de mes amies à la gorge dans un bar. J’ai arrêté de boire et fait un suivi psychologique serré pour régler mes issues et changer mes façons de faire. Je me suis casée et je suis tombée enceinte assez vite par après. 

Depuis que je suis maman, je vis dans la peur de devenir comme mon père. Je fais attention à tout ce que je fais pour mon enfant et je suis pareille avec mon mari. Chaque fois que je fais ou vois quelque chose qui s’approche de la limite que je me suis fixée, ça fait écho à un truc plus grave que mon père m’avait déjà dit ou fait. Une chance que mon mari est compréhensif et qu’il comprend d’où je viens (sans toutefois être d’accord avec ma très grande sensibilité). 

Tous les jours, je me réveille avec la détresse de penser que je pourrais finir par devenir comme mon père. Il m’est arrivé une fois de dire méchamment à mon bébé « arrête sinon ça va aller mal. » Avec l’intention de mettre en action ma menace, une nuit où il perçait ses dents et qu’il pleurait depuis des heures. Même après 10 mois, je m’en veux encore d’avoir eu cette pensée et je travaille avec ma psy à faire le deuil de ne pas être une maman parfaite – parce que la perfection n’existe pas – qui doit apprendre à travailler encore plus fort à ne faire ce qu’on lui a appris. 

Le pire dans tout ça, c’est que chaque jour de ma vie, chaque geste que pose peut faire ressurgir un souvenir oublié, genre l’histoire du couteau et du chaudron qui m’est revenue la semaine passée en faisant la vaisselle. Et de là, le processus de deuil de mon enfance doit recommencer. 

Encore et encore. 

Je sais que je suis dans le bon chemin pour aller mieux et faire de ma maison un endroit plus sain que celle où j’ai vécu et grandi. Je suis fière du travail que j’ai accompli, mais je sais que je ne serai jamais capable de baisser la garde contre moi-même. 

Comment la violence a affecté votre façon d’être parent? 

Plus de contenu