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En attendant le mois de mai – Collaboration spéciale
Crédit: Flickr/ Charles Nadeau

Depuis quelques mois, j’apprivoise une réalité nouvelle: une grossesse après le décès de mon premier bébé, Paul, à l’âge d’un mois. Me lancer dans cette aventure tout juste six mois après les pires moments de ma vie, ça aura d’abord impliqué de mettre un pied dans ce territoire inconnu où se mêlent l’espoir et l’angoisse. Accepter de vivre en tête-à-tête avec mes peurs.

Celle de remplacer mon fils irremplaçable.
Celle de ne pas arriver à tomber enceinte.
Celle d’arriver à tomber enceinte et d’avoir à revivre la douleur sans fin de perdre mon bébé.
 
Et puis, depuis la fin août, la peur se mêle à l’attente impatiente et à une tonne d’émotions contradictoires.
 
Attendre mon bébé qui ne connaîtra jamais son grand frère, c’est vivre dans un monde régi par quelques mots – « si tout va bien… ». C’est faire face à la joie des autres et ne pas savoir quoi y répondre. C’est faire face à ma propre joie parfois un peu coupable, c’est passer du soulagement à la hâte, puis au désespoir. C’est pleurer sans toujours comprendre pourquoi. Pleurer pour Paul et pour ce bébé qui n’aura probablement pas la vie pleine d’innocence que je voudrais lui offrir. C’est en vouloir malgré moi aux futures mamans insouciantes que je croise sur mon chemin.
 
Attendre un deuxième bébé quand le premier n’est déjà plus là, c’est aussi vivre une émotion immense en sentant ses premiers mouvements. Être émue par mon bébé-de-mai qui manifeste sa présence quotidiennement. C’est apprendre à croire que ça va aller, une journée à la fois, un petit coup de pied à la fois. C’est reconnaître les expériences de cette nouvelle grossesse en étant soulagée de mieux connaître le chemin tortueux de la maternité que la dernière fois que je suis passée par là, mais aussi en étant désolée de déjà revivre ces sensations, moins d’un an après la naissance de Paul.
 
Être enceinte et en deuil, c’est pleurer sans pouvoir arrêter à la première écho, malgré les bonnes nouvelles. Pleurer à la deuxième écho aussi, même si « tout va bien ».  C’est éviter d’entrer dans la salle d’attente qui déborde de femmes enceintes à l’air serein. C’est sentir une connexion invisible avec la fille, elle aussi retranchée dans le couloir, qui a laissé entendre qu’elle est là suite à une fausse-couche. C’est devoir insister auprès du technicien qui promène la sonde sur mon ventre, que non, ce n’est pas mon premier « vrai bébé ». Paul était vrai, lui aussi.
 
Avec chaque jour qui passe et mon ventre de plus en plus évident, j’ai peur qu’on me demande si j’attends un premier bébé, mais en même temps, j’ai besoin de dire à tout prix que non, ce n’est pas mon premier. Mon premier, mon Paul, est le grand frère du bébé qui pousse en moi. Il fait partie de notre famille à jamais amputée.
 
Alors vraiment, attendre mon bébé qui ne connaîtra jamais son grand frère, c’est compliqué, c’est douloureux, mais c’est aussi porter en moi plein d’espoir.

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