Un jour, un Julien se présenta à mon bar. Et ma vie a changé. J’suis tombée en chose, là. En « amour ».
On a eu du fun pendant trois ans, à sortir, s’enivrer et oui, à faire des trucs de grandes personnes dans le bar une fois les clients partis.
Puis, j’suis tombée en chose, là. « Enceinte ».
Je retardais mon retrait préventif par crainte de devenir une housewife et, j’avoue, j’avais peur de ne pas savoir résister à l’envie de boire un verre lorsque je trouverais le temps long. La grossesse, c’est lourd, quand t’es toxicomane. Mais j’ai bien fait ça.
Puis, j’ai dû retourner au travail. Julien était pratiquement père monoparental. Et moi, je ne voyais plus ma fille. Une maman ne peut pas être une barmaid. Dieu merci, je suis retombée enceinte huit mois plus tard. Problème réglé, pour l’instant. De rien, Marie-Ève-Saucier-Du-Futur!
Aujourd’hui, avec deux enfants, je rock cette vie de housewife. Mes aptitudes de barmaid y sont pour quelque chose. Quand surviennent les rushs de faim-soif-besoin-d’attention, j’entre instinctivement en mode bartending. Préparer un biberon et faire des tresses pendant que j’éponge du vomi entre deux brassées? J’fais ça vite, clean et avec le sourire.
Barmaid et Maman, deux professions aux tâches similaires. La clientèle se ressemble un peu, aussi. On ne comprend pas toujours ce qu’ils racontent. Ils peinent parfois à marcher. Leur filtre social est à OFF. Comme Barmaid, Maman est au service (et à l’affût) d’une bande d’excités dont l’objectif principal est d’avoir du fun, MAINTENANT. Des tannants à qui Maman et Barmaid doivent constamment répéter :
« Voici ton verre, attention de ne pas le renverser, j’en suis déjà à ramasser ton autre dégât! »
« Attends ton tour, je suis en train de servir quelqu’un, je m’occupe de toi tout de suite après. »
« Pas de chicane! Hey! Pousse pas. Pousse pas. ON NE POUSSE PAS! »
Je suis en congé depuis janvier, jusqu’en août. Et je ne veux pas retourner dans les bars. À sept mois de la fin de mon congé, je me retrouve devant rien. Et j’ai peur. Peur d’être ce que mes enfants ne veulent pas devenir. Peur d’être un fardeau dégueulasse pour Julien. Peur de réaliser que je suis une de ces personnes tristes qui n’a rien fait de sa vie. J’ai peur, man. Ne me dites pas que je peux faire un cours en secrétariat, parce que je vais pleurer.