Se dire les vraies affaires : l’accouchement sans filtre et sans lunettes roses – intro.
Victorine Michalon-Brodeur NDLR
Le présent texte aurait dû servir d’intro au billet sur l’accouchement publié il y a 2 jours. Nous sommes désolées pour cette erreur et tenons à partager avec vous ce que l’auteure avait rédigé en guise d’introduction à sa série de billets.
Nous ne sommes pas égaux face à l’accouchement. Certains sont très au fait de ce qui les attend et prennent toutes les dispositions possibles en prénatal pour s’approprier cet événement et se prémunir des risques l’entourant (pendant et après). Ils s’informent pour faire des choix éclairés, car ils ont conscience qu’accoucher c’est forcément faire des choix et que si ce n’est pas eux qui les font, d’autres les feront à leur place.
Souvent, ceux-là ont reçu de leur entourage deux types de témoignages : des récits apocalyptiques d’accouchement-naufrage où les parents se sont sentis tomber de Charybde en Scylla jusqu’au bistouri et aux forceps OU des récits enchanteurs d’accouchement-puissance au potentiel transformateur. Ces deux types d’histoires hautement subjectives masquent sûrement une partie de la réalité, mais elles ont pour effet bénéfique de mobiliser le couple de futurs parents à la conquête d’une naissance qui leur ressemble.
D’autres ont une vision très idéalisée de l’accouchement, entretenue par la pudique réserve avec laquelle on a pu leur narrer une expérience pas franchement reluisante et par le discours hospitalier officiel, qui tend à prendre en charge les patients dans un cadre protocolaire à la logique purement professionnelle et non émotionnelle.
L’important, c’est d’avoir un bébé en santé. Cette phrase que j’entends scandée à l’hôpital élide tout ce qu’un accouchement peut représenter de bonheur, mais aussi de tristesse et de ravages sur le plan de l’estime de soi et de l’attachement à son enfant.
En tant qu’accompagnante à la naissance, je suis aux premières loges pour admirer (et combler) le monumental gap qu’il y a entre la conception que ces gens se font de l’accouchement lors de la rencontre d’approche* ou lors d’une discussion fortuite, et ce qu’ils en savent une fois passés de l’autre côté.
Ceux-ci voient l’accouchement comme un grand moment romantique qui consiste, après une perte torrentielle des eaux, à passer une dizaine d’heures couchée sur le dos dans des draps immaculés, larmichettes à l’œil, infirmière dévouée à la main. Ils pensent que leur vénérable médecin qui leur a accordé 5 minutes de son temps pendant le suivi prénatal (première désillusion) viendra leur faire des coucous encourageants pendant le travail et qu’il ou elle s’occupera de tout pour mettre au monde leur enfant de la manière la plus sécuritaire qui soit.
Ils se disent que puisque les femmes le font depuis la nuit des temps, à répétition même, ça ne doit pas être bien sorcier, et qu’en plus, avec les cours du CLSC, ils sont blindés. Que puisque leur mère leur rapporte de cet événement que c’était le plus beau jour de sa vie, il n’y a pas de raison que ça ne soit pas le plus beau de la leur. Que puisque 98 % des femmes au pays accouchent sur le dos, les pieds dans des étriers, ça doit être la marche à suivre.
La réalité est quelque peu très différente, puisque aucune naissance, aucune maman et famille, n’est pareille. Je vais donc vous parler de toutes les facettes de l’accouchement, sans filtre et sans lunettes roses, selon mon expérience et mon expertise d’accompagnante à la naissance.
*La plupart des accompagnantes offrent une rencontre gratuite d’une heure pour présenter leurs services. Si le couple a déjà demandé à rencontrer une accompagnante, c’est souvent qu’il rejoindra incessamment le groupe des avertis.