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Le récit d’accouchement de Valérie : parce que des fois, accoucher à la maison ce n’est pas un accident!
Crédit: Valerie Poulin

41 semaines et 3 jours – 2 septembre, 2011, 2 h du matin

J’avais fait la paix avec le fait que je n’allais peut-être jamais accoucher.
J’étais grosse, tannée et il faisait chaud. C’est censé prendre 40 semaines… non?

Je me réveille avec un mal de ventre (lire : une envie de chier), mais je n’ose pas réveiller l’homme qui dort pour ça. On s’est couchés tard, on a mangé de la crasse. Pas besoin de l’avertir du déroulement de ma digestion.

30 minutes passent et j’y suis encore.
Rien ne sort et c’est pas faute d’essayer. 

Et là, je réalise ce qui m’arrive. Je n’ai pas envie de chier, je suis en début de contractions. Je réveille le géniteur avec la bonne nouvelle et s’en suivent 10 tours sur lui-même, lui qui ne sait pas par où commencer. 

Avec un accouchement à domicile, les responsabilités sont nombreuses : 2 pages de matériel à préparer, un lit à installer, un bain à nettoyer, de l’eau à faire chauffer… Papa est mon outil indispensable. Sans lui, tout s’effrite. 
 

Crédit photo : Valerie Poulin

5 h 30 – Je flotte entre le lit et le bain. Je n’y trouve pas mon aise. 45 minutes plus tard, notre sage-femme arrive. J’ai une pression de fou aux fesses et j’ai zéro envie de discuter. Elle pose sa main douce sur mon dos et la sensation ressemble à du papier de verre. Je change de position à chaque contraction, mais aucune ne semble être la bonne.

8 h 15 – Pas besoin de me dire de pousser… La pression est tellement forte, je me vois mal faire autre chose! À peine à 9 cm, mais je ne peux pas m’empêcher, je pousse.

Squat, poussée, repos.

J’entends et je ne vois rien, je me concentre sur mes contractions.  

Ça me rappelle la fois où j’étais perdue dans le bois avec des amis. Il y avait des mouches, le soleil tombait… C’était épeurant. Je me disais, « Continue à avancer et tu vas y arriver. » Chaque contraction me rappelait les branches qui fouettaient mes jambes, les moustiques, les souches d’arbres qui dépassaient… Chaque contraction était un défi à surmonter.

La sage-femme et son assistante nous donnent une bonne distance tout en gardant leur attention sur moi, mon corps et mes cris. Papa est assis sur le bord du bain depuis le début, les fesses endolories. Il me donne à boire, m’essuie la face et m’encourage. 

Crédit photo : Sarah Marquis

10 h 14 – Jusqu’à présent, tout se passait très bien. Presque 8 heures de travail… Rien de fou, rien d’anormal. Et là, j’entends ma sage-femme m’ordonner de sortir du bain. Elle qui est si douce à l’habitude me parle d’un ton très sec.

Je réussis de peine et de misère à sortir. Elle est dans notre chambre et prépare avec hâte le matériel : bonbonne d’air, huiles essentielles, piqués jetables, gants, etc. Ma tête et mon corps sont ailleurs, occupés à pondre un humain. 

Ce qu’elle nous cache, c’est qu’elle vient de faire deux lectures du cœur vides.

80 battements. Rien. 60 battements. Rien. 50 battements. Rien. Et une troisième.

Aussi vite qu’une femme enceinte de 41 semaines et 3 jours dilatée à 10 cm peut avancer, je me retrouve dans mon lit. Dans la seule position que je ne voulais catégoriquement pas adopter : couchée sur le dos.

Et là, je pousse ma vie. 

Papa tient mes jambes et je pousse encore plus et puis soudainement, j’abandonne.  À 10 h 25, j’ai frappé mon mur. « Je suis plus capable », que j’ai dit. Je baisse les bras. Ou plutôt les jambes. 

D’un coin d’oreille, j’entends la sage-femme dire un mot qui m’est inconnu malgré toute la lecture que j’ai faite : épisiotomie. Suivi par un mot très familier : ciseaux.

Elles veulent me couper! Déjà que je suis sur le dos, je ne veux surtout pas me faire couper!

Me voilà de retour les jambes en l’air, pas besoin d’aide cette fois-ci. Je pousse comme si ma vie en dépendait. Ça en prenait pas plus pour me redonner de l’énergie.

10 h 28 – Mes efforts, ma patience et ma persévérance sont récompensés. Je suis maman d’un beau bébé en pleine santé. APGAR de 9/10. Je suis émue, mais figée dans le temps. Comme si la terre s’était arrêtée un moment pour célébrer son nouvel habitant. Papa pleure et dépose un bébé de 7 lb 15 oz sur mon ventre. Pas de vernix, bien rose, des petits cris qui nous laissent comprendre que tout va bien. 
 


Un premier tête-à-tête entre maman et bébé. Une rencontre qui change tout.
Crédit photo : Papou Yannou

Et c’est là que tout prend son sens : les nausées, le nerf sciatique, les aversions, les maux, les hormones, les pleurs, les angoisses, les contractions. Tout ça pour en arriver à faire la plus belle rencontre de ma vie. Je suis si émue que je ne pense même pas à demander quel est le sexe. Ça ne m’importe plus. Élie est là. Le restant, c’est des détails. 

Le cordon finit de battre, une dernière contraction laisse sortir le placenta. Soulagement.

 La première maison de bébé : son placenta.
Crédit photo : Valerie Poulin

10 h 43 – Papa coupe le dernier lien qui nous reste. Ma fille est maintenant sa propre personne. Elle est couchée sur mon ventre, je sens son petit coeur battre et je me sens vide et entière tout en même temps.

Seule dans mon corps. Entière dans mon cœur.
 

Épuisée, mais si heureuse d’être chez moi. Je découvre le rôle de ma vie, la maternité, en toute douceur et sans pression extérieure.
Crédit photo : Papou Yannou

 

Si vous faites partie du minime pourcentage de femmes qui ont accouché à la maison, comment avez-vous vécu votre expérience? Sinon, comment percevez-vous l’accouchement à la maison?

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