J’ai haï être enceinte.
Ok, haïr est un grand mot. Disons plutôt «je n’ai pas aimé être enceinte». Vous me jugez peut-être, chaque fois que j’ai osé le dire à voix haute devant quelques personnes, on m’a jugée.
Après tout, je n’ai aucune «bonne raison» d’avoir vu ma grossesse comme un purgatoire, une longue attente plate et souffrante pour rien. Pas de diabète de grossesse, pas de complications, même pas d’anémie ou de nausées sévères! J’étais jeune, en santé, (relativement) en moyens, bien entourée. Vraiment, on dirait que je me plains pour rien. C’est possible.
Moi aussi, je me suis trouvée capricieuse et anormale. Pourquoi toutes les femmes enceintes ont l’air de vivre un orgasme en flattant leur bedaine? Pourquoi les sacrifices que la grossesse exige ont l’air d’un méga party? Pourquoi, surtout, j’ai pas été invitée au fameux party? Celui qui te donne un beau teint, un air épanoui – limite débile léger – et l’approbation populaire, hein?
Non, moi je me suis fait solidement chier, pardonnez mon langage. Arrêter de boire, de fumer, de manger des sushis, des fromages au lait cru, du tartare de boeuf. Me réveiller toutes les nuits avec des crampes de mollet de l’enfer, avoir peur des escaliers, régler ma vie et mes sorties selon l’horaire slack de ma vessie hyperactive, souffrir d’insomnie mais être constamment somnolente. Qu’est-ce que j’avais bien pu faire pour mériter ça? Parce que c’est comme ça que je l’ai vécue, ma grossesse : COMME UNE PUNITION.
«Être enceinte, ma p’tite dame, c’est une condition, pas une maladie!» J’en conviens, mais pourquoi d’abord je me sentais comme une incapable cloitrée qui n’avait pas le droit d’avoir du fun? Et pourquoi je devais me farcir EN PLUS tous les conseils des étrangers et de l’entourage, tous leurs touchers déplacés, leurs jugements, leurs avis sur tout et son contraire? Y aurait fallu que je sourie en plus?
Mon chum est féministe et m’a toujours épaulée, a toujours partagé 50-50 les tâches ménagères, etc. Là, enceinte, je me ramassais seule avec mon gros corps étrange qui me privait de tout, pendant que l’homme restait slim, pouvait boire et s’amuser, manger ce qu’il voulait (il avait assez de considération pour le faire au resto en mon absence, mais je le savais quand même!), etc.
Pendant que lui vivait NORMALEMENT.
J’ai eu l’impression qu’on m’avait trahie, qu’on m’avait raconté une grosse blague et que, poisson comme je suis, je m’étais fait avoir.
Je veux que ce soit clair : je voulais mon enfant, je le voulais au plus profond de moi, je n’ai même pas douté une seconde de notre choix de l’avoir, mais calvasse, est-ce que c’était vraiment nécessaire de me faire endurer 10 mois (oui, c’est pas mal plus 10 mois que 9, pour ceux qui l’ignorent) de pénitence pour enfin le tenir dans mes bras?
Je ne le dis pas souvent parce que je n’ai pas envie de me lancer dans une conversation sans fin avec des madames qui trouvent que c’est donc bien génial d’avoir un corps qui s’apparente à un territoire occupé en temps de guerre, mais si les cigognes pouvaient vraiment livrer les bébés, je serais la première sur la liste d’attente, HA!
Comment avez-vous vécu votre grossesse? Enfer ou extase?
P.-S. : Je tiens à préciser que si je publie ce texte de façon anonyme, ce n’est pas parce que j’ai honte ou que j’encourage les femmes à taire leurs insatisfactions. Mon enfant a maintenant l’âge de lire, mais pas encore celui de tout comprendre. Je ne voudrais simplement pas qu’il tombe sur ce texte et soit inutilement blessé.