J’ai un visage très expressif et il m’a souvent fait sacrer. Je peux difficilement mentir ou camoufler mes émotions, c’est à croire que mes muscles faciaux ont décidé de vivre en autarcie et de me rendre transparente. Depuis que je suis maman, c’est tout de même beaucoup mieux à ce niveau : je réussis, la majorité du temps, à ne pas trop laisser filtrer des angoisses qui n’appartiennent pas à ma fille. Il faut cependant reconnaître que je n’y arrive pas toujours.
L’été dernier, il a fait très beau, mais pas pour moi.
C’était une saison lourde et étouffante, j’étais triste, pour ne pas dire déprimée et j’avais beau sourire, Ange n’était pas dupe. Elle dardait sur moi de longs regards songeurs et pour distraire son attention, je lui lançais des grimaces; rien à faire, elle bourdonnait autour de mes jambes, s’accrochait à ma main.
Un soir, elle m’a touché la joue et m’a dit que j’avais les yeux vraiment tristes depuis quelque temps.
C’est une des rares fois où j’ai éclaté en sanglots devant ma fille, en partie à cause de mon chagrin, mais aussi parce que j’avais échoué à la tenir loin de lui.
«Oui, je suis triste chérie, mais ça va passer.»
Elle s’est serrée contre moi et m’a flatté les cheveux, le bras, j’ai retrouvé dans sa volonté de me consoler une partie des gestes que j’ai pour elle lors des petites noirceurs; ça a été un moment d’une tendresse sans nom.
«J’aime pas quand t’es triste maman.»
Sa voix camouflait mal son émotion et son inquiétude. C’était exactement le résultat que je redoutais : je ne voulais pas que ma fille ait l’impression de devoir s’occuper de moi.
«- Je sais Ange, mais c’est pas parce que je suis une maman que je suis jamais triste. Ça va passer sauf qu’en attendant, j’ai de la peine et je peux pas faire autrement. Le temps va guérir tout ça, faut juste le laisser aller.
– Et si le temps passe pas?
– Oh ça, y a pas de chance que ça arrive. Il va passer pis maman va être correcte plus tard.
– J’aimerais ça que tu sois contente tout de suite, ça va être long?
– J’en ai aucune idée, tout ce que je sais c’est que même si ça nous tente beaucoup, des fois la tristesse s’en va pas aussi vite qu’on voudrait et c’est normal.»
Sa poigne était toujours trop ferme autour de moi.
On a papoté encore un peu, elle était rendue assez grande pour mériter une explication, pour que j’abandonne ma carapace un petit temps. J’ai bien vu que ça la rassurait plus que l’on en discute que mes tentatives de lui camoufler mon sentiment.
Son étreinte s’est lentement relâchée.
Elle a réussi à me faire rire, les étincelles ont fusé partout dans nos yeux, j’ai eu un baiser.
En parler a transformé la bête sans nom en émotion normale qui se devait d’être assumée et franchement affrontée et pour ça, je lui ai dit merci.
Y a eu des moments où votre armure de parent a craquée devant vos cocos? Ils ont réagi comment?