Aller au contenu
Apprendre à être maman.
Crédit: Caroline Scott

Je suis maman depuis sept ans et comme la plupart des parents, j’aime ma progéniture d’un amour ineffable et puissant. La maternité est riche de moments d’une indicible douceur, mais prétendre que j’ai toujours été heureuse dans mon rôle serait mentir.
Je me souviendrai toujours du moment où j’ai annoncé ma grossesse à ma mère.
J’avais dix-sept ans, même pas toutes mes dents, j’attendais un bébé et le garderais.

Angélik est arrivée avec le froid piquant d’octobre et malgré son retard, je n’étais pas prête; quand je l’ai prise pour la première fois, l’infirmière a replacé correctement mes bras avec un soupir navré. Notre premier regard a tout dévasté, mais pas comme disent les livres : dans le bleu profond des yeux de ma fille, j’ai vu mourir ma jeunesse et mes maigres repères, j’y ai jeté des larmes de joie et celles d’une angoissante tristesse.
Je n’ai pas été une bonne mère pour ma fille durant ses premiers mois, j’étais absente et distante, utilisant tous les moyens pour fuir la réalité qui me terrifiait. Sa naissance a marqué le début de longs combats, une leçon sauvage sur les conséquences qu’entraînent mes choix. Elle m’était un cruel miroir des carences qui me définissaient, la regarder me torturait. Le bonheur est venu plus tard, après beaucoup d’aide; je me suis battue contre la noirceur et j’ai gagné, mais le temps ne s’était pas arrêté pour Ange.

Elle avait un an, j’en comptais dix-neuf, j’étais épuisée, mais finalement prête.
J’ai commencé à être plus présente, appris le tendre et douloureux amour d’être maman, reconstruit le soleil de mon quotidien à l’aide de ses petites mains potelées. Vers ses cinq ans, elle m’a questionnée sur l’histoire de son arrivée dans ma vie. Elle en a parlé encore quelque temps plus tard et aussi après qu’une fillette du parc nous ait prises pour des sœurs. Elle m’a interrogée sur mon âge lors de mon accouchement, sur ma relation avec son père, elle tournait autour du pot et je redoutais le moment où elle allait y plonger son nez. Un jour, inévitablement, c’est arrivé.

«Maman, est-ce que tu m’as voulue?»

Mon visage était immobile mais dans ma tête régnait un petit chaos. J’avais déjà préparé une réponse élaborée et toute en délicatesse, mais je ne la trouvais pas. J’ai été soudainement très émue.

«J’ai pas vraiment fait exprès d’être maman aussi jeune, mais t’es le plus beau cadeau que la vie m’ait offert.»

Tant de tracas pour une affirmation aussi simple. Je n’ai pas pleuré en la prenant dans mes bras ce jour-là, j’étais simplement contente d’avoir réussi à trouver la bonne réponse, de pouvoir l’affirmer sans mentir. J’ai longtemps lutté contre la culpabilité qui ronge même durant les rêves, lutté pour devenir une femme digne d’être la mère de ma fille. J’ai eu jusqu’à tout récemment des relents de doutes nauséabonds, peur qu’Angélik n’ait souffert de mon comportement. Ceux qui la connaissent me disent que non, qu’elle est confiante et équilibrée, l’exemple même de l’enfant bien entouré qui s’approprie le meilleur de chacun et ne manque de rien. J’étais sceptique jusqu’à la semaine dernière, jusqu’au jour où ma fille m’a écrit la carte ci-dessous. Vous allez peut-être dire que je suis quétaine, mais dans les boucles de sa calligraphie, à travers mes larmes, j’ai lu beaucoup d’amour et un pardon salvateur.

                                   

Crédit photo : Caroline Scott.
Quelles sont vos petites noirceurs? Y a t-il eu des moments plus difficiles dans votre vie de parent?

Plus de contenu